mercredi 27 février 2013

Escapade cartésienne

Champs sur Marne, Cité Descartes. Des vestiges de neige oubliés sur les talus herbeux. Des voitures débordant des parkings. Quelques étudiants pressés. Des bâtiments aux architectures éclectiques. D'abord les dinosaures : l'ESIEE de Dominique Perrault qui décline avec application la métaphore électronique et la Fonction Oblique, l'ex centre de formation de Bull de Gérard Bonnier reconverti à la cause universitaire, l'Ecole des Ponts de Chaix et Morel qui joue désormais sur une ambiguïté temporelle (années 70 ou années 90 ?) et les édifices de Jourda et Perraudin qui déclinent (très probablement) la théorie environnementale, jusqu'au bout du béton pour l'un, et du panneau de verre pour l'autre. Et puis il y a les constructions plus récentes qui méritent d'être moins brefs.
A un jet de pierre de l'ENPC, la bibliothèque universitaire de Beckmann N'Thépé, telle une épaisse barre de chocolat noir portée au-dessus du sol, ne peut pas passer inaperçue (sauf pour les aveugles... bien entendu). Soumis au diktat contemporain du porte-à-faux, et dotée d'immenses fenêtres dont le verre est serti par des griffes comme inspirées de l'orfèvrerie, la bâtiment prend ses marques sans timidité. Deux cabanes grillagées et surdimensionnées eu égard leur fonction d'abri à vélos, encadrent l'entrée principale. Un soubassement partiel en inox poli miroir (matériau décidément très tendance) se déploie en rez-de-chaussée. Un aménagement paysager bucolique (roseaux, ruisseau, pont de pierre) vient compléter la visite des extérieurs. On reviendra un autre jour pour les espaces intérieurs.
Face à ce monument de chocolat (couleur fétiche du tandem d'architectes), s'affiche sans complexe Descartes +, de l'architecte Thierry Roche, bâtiment dont on a vanté les mérites énergétiques. Le parti est ici tout autant démonstratif que chez ses confrères chocolatiers, mais dans un vocabulaire plus souple, curviligne et aérien, qui évoque une de ces figures de contorsionniste du grand cirque de Pékin. Ici sol, murs et plancher réfutent la traditionnelle tectonique architecturale.
L'espace Bienvenüe de Jean-Philippe Pargade, qu'il aime à qualifier de "bâtiment-paysage", est en voie d'achèvement, même si quelques troupes impatientes ont déjà installé leurs pénates dans ses espaces. Deux concepts se tutoient. Un premier bâtiment un peu sévère, de 200 m de long, dont l'une des deux grandes façades (la sud) est équipée d'élytres noires, en quantité suffisante pour dissuader les rayons du soleil de s'immiscer sur les paillasses, ou de pervertir le bilan thermique. L'autre façade principale, placée au nord, revendique une certaine efficacité économique. Une deuxième construction, parallèle au premier bâtiment, composée de trois grands bolducs de béton formant vagues, végétalisées sur le dessus et brutes de béton en sous-face, abritera des espaces supports, des laboratoires et le saint des saints de ces derniers : le laboratoire d'essai des structures, ajusté au dixième de millimètres ; une tolérance aéronautique dans un univers de bétonneur ! Il faudra attendre encore quelques mois avant  de découvrir toute la subtilité de ce bâtiment qui veut tenter de redonner une logique urbaine à ce "cluster" décousu, et inviter ses occupants au dialogue "savant, correct et magnifique" avec la matière.
  

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