Le Quartier Galliéni et en second plan le dortoir des rhétos |
Ce titre ne doit parler qu'à une infime minorité des lecteurs d'Everybody Knows ; normal, puisqu'on désignait par "rhéto" la classe de première au Prytanée Militaire de La Flèche, et que, sauf à avoir été pensionnaire de cet établissement sarthois (Le Mans, Vroum-Vroum, les hunaudières, les rillettes, Fillon), il est légitime de l'ignorer.
Antoine Compagnon est l'auteur de ce livre paru chez Gallimard en octobre dernier. Le nom de cet écrivain ne vous dit rien non plus ? Et pourtant ce Monsieur est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de littérature française moderne et contemporaine. Accessoirement, il est diplômé de l'X, du corps des Ponts et docteur d'état es lettres (en bon franchouillard j'avoue être impressionné par certains diplômes, mais là, c'est plutôt le cursus que je trouve excitant !).
Photo de la 5ème compagnie en 1965-1966 |
Donc Antoine Compagnon (62 ans) écrit 329 pages sur son année de rhéto (1965-1966) en parvenant à nous (re)plonger dans un univers totalement invraisemblable que l'on pourrait imaginer relevant d'une époque lointaine dans un lieu isolé du reste du monde. Mais le plus étonnant, c'est que dans ce milieu où la discipline et l'ordre sont élevés au rang de références absolues, de vertus cardinales, on (re)découvre une jeunesse très loin d'être soumise, qui transgresse avec violence les codes établis (avec parfois une certaine complicité de l'encadrement), et dont l'attitude vis-à-vis de l'autorité est plus que rebelle, voire révolutionnaire (peut être davantage que dans des établissements plus libres).
Autre paradoxe, celui qui gouverne la relation ambivalente que les pensionnaires entretiennent avec l'institution : rejet mais également attirance (haine et amour), relation qui fait, comme l'auteur l'indique, qu'on n'en sort pas indemne !
Extrait :
"Entrés dans l'armée à 10ans (...) nous étions des mutilés psychiques, des tarés affectifs, certains plus que d'autres, mais pas un seul n'en sortirait indemne. On avait acquis pour toujours une certaine dureté sentimentale, une certaine rigidité mentale, contre lesquelles il faudrait lutter sans cesse et pied à pied pour qu'elles ne reprennent pas le dessus. Tous mettraient longtemps à se rétablir et beaucoup ne se rétabliraient pas."
Écrit avec beaucoup de modestie (l'auteur sous estime souvent ses qualités scolaires), mais aussi avec un zeste d'érudition littéraire qui permet au lecteur de disposer de conseils de lecture certainement avisés, c'est un livre qui pose la question de savoir quelle résonance il peut susciter auprès des brutions (ou des niass si vous préférez) et auprès des pékins également ! Cette question m'intéresse...
Et bien figure-toi que je connais Antoine Compagnon. Il a été invité, par un prof que je connais, à parler de lui et surtout de son parcours atypique de prof, pendant deux heures à la Maison de la Photographie. C'était absolument passionnant. Ce type est d'une intelligence époustouflante. J'ai un de ses bouquins à la maison.
RépondreSupprimerJe vais tâcher de retrouver les notes que j'avais prises pendant son intervention. Bien sûr on peut aussi aller l'écouter parler de littérature au Collège de France, c'est ouvert à tous!
Descartes fut également élève de La Flèche, il y redécouvrit l'analyse critique, contribua à secouer la scolastique ancienne, et ouvrit de nouvelles perspectives.
SupprimerIl y a parfois des lieux comme cela où les vagues de la liberté et les rythmes des pouvoirs établis viennent confondre leur destin pour aller ériger ensemble de nouveaux espaces de vie, de paix, d'amour et d'amitié. Bernard dit Le Max.
Et que non! Compagnon n'était pas en rhéto un élève si brillant. Sans doute pas encore très mûr, il était devancé par 5 ou 6 d'entre nous y compris dans les matières où il a pu surnager par la suite : mathématiques, mais aussi en lettres.
RépondreSupprimerLa modestie n'est pas vraiment le trait marquant du personnage qui raconte 50% de vécu, 50% de divagations romanesques ou fausses, et 80% de récupération de choses déjà écrites ailleurs (cf Les petits soldats de Haenel 92). 180%, ça fait beaucoup, mais comme tout cela se recouvre, se redit, se contredit ...
La partie fausse concerne notamment l'un des personnages-clé du bouquin (Damiron), à qui on prête un caractère qu'il n'avait pas alors, mais dont on le rétro-affuble à partir de faits postérieurs.
Bon. Un bouquin qui se lit quand même. Mais on ne tient pas encore notre nouveau Victor Hugo.
Pendant que j'y suis, la photo qui est sur ce blog est la photo de la rhéto M de 65-66. La classe de Compagnon était la rhéto C2.
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