mardi 20 septembre 2011

Philip Roth interview (en brut)


Philip Roth était hier à la télé. Arte bien sûr ! Prétendants au métier d'écrivain, oubliez vos aspirations ! L'écrivain est un tueur. Ses victimes de prédilection appartiennent au cercle de ses intimes, et en premier lieu sa famille. Roth est seul - tout du moins c'est ce qu'il veut montrer - dans sa superbe propriété du Connecticut (belle maison, parc, étangs). L'auteur de "Portnoy et son complexe" (quand on l'écrit comme ça, tout le monde pense qu'on a lu "Portnoy et son complexe"), travaille debout. Il a deux pupitres. Il passe de l'un à l'autre au gré de ses impasses momentanées. Quand il écrit, il est au pupitre 10 à 12H par jour, avec une rigueur monacale. Il exige la solitude. Il est gaucher. Son imagination se nourrit de choses existantes qu'il lui faut pratiquer. Ainsi, il observe un fossoyeur fossoyer ; il entre dans une bijouterie pour prendre la mesure des tics d'un bijoutier. Il a un besoin absolu de s'exercer à décrire avant d'inventer. Roth, jeune, était un très bel homme. Aucune difficulté à l'imaginer séducteur. Une de ses anciennes amies en témoigne. Il dit avoir reçu son premier salaire à l'age de 36 ans. Comment vivait-il avant ? Gigolo ? Il dit aussi avoir toujours voulu être écrivain. Il existe des photos en noir et blancs sublimes de Roth alors qu'il est un parfait inconnu. Comment expliquer ce souci de la postérité si ce n'est dans une prescience de son génie littéraire ? Roth a un cou bizarre. Sa peau est flasque ; un peu comme celle d'un iguane. Roth pense beaucoup à la mort. Elle lui fait peur. De plus en plus. L'écriture est chez lui une arme de dissuasion contre la dépression. Il arrête d'écrire et il déprime. Il a pensé au suicide. Il écrira jusqu'à sa mort. Il est impossible de l'imaginer n'écrivant plus. Roth veut relire tous les livres "classiques" qu'il a lu quand il était jeune ; les ouvrages des auteurs comme : Kafka et Saul Below qu'ils vénèrent, Hemingway, Faulkner,... Roth écrit sur le sexe car c'est l'une des choses les plus importantes de la vie. Le doute ne le quitte jamais ; surtout quand il s'engage dans un nouveau livre. Il est dans ces moments comme celui qui n'a jamais écrit, et qui ne sait pas s'il parviendra à écrire quelque chose de bon. Il écrit à la main et il adresse des copies de son manuscrit à quatre ou cinq de ses ami(e)s dont il attend les remarques. Puis il réécrit ; jusqu'à trois fois. Il s'est fait traité d'antisémite parce qu'il parlait d'une pute juive et d'un maquereau juif. Il répond : "vous auriez-voulu que j'écrive sur une pute portugaise et un maquereau portugais ?" Roth a été aimé par sa mère.
Roth lit plusieurs passages de ses livres, et en particulier un, sublime, extrait de la "Pastorale américaine" : "Le fait est que comprendre les autres n'est pas la règle dans la vie. L'histoire de la vie c'est se tromper sur leur compte, encore et encore, encore et toujours, avec acharnement et, après y avoir bien reflechi, se tromper à nouveau. C'est même comme ca qu'on sait qu'on est vivant : on se trompe. Peut être que le mieux serait de renoncer à avoir tort ou raison sur autrui, et continuer rien que pour la ballade. Mais si vous y arrivez, vous...alors vous avez de la chance."

1 commentaire:

  1. Very interesting. Je vais me précipiter sur les podcasts d'Arte.
    C'est marrant ces tics d'écrivain. Cela me fait penser à un reportage sur George Simenon qui n'écrivait qu'avec des crayons de papier toujours impeccablement taillés. C'est un peu comme chez les sportifs de haut niveau, chacun a sa routine avant l'effort. Tout cela est très humain et ça me plait !
    Gérard

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