Quelle journée ! J’ai commencé par croiser M. Place de Belgique. Décidément, un carrefour stratégique ! Hier, le Marseillais ; aujourd’hui M.
Je sortais du pressing qui fait l’un des angles de la place. Quand j’étais « en activité » je fréquentais davantage cette boutique. Il fallait bien que je m’habille parfois autrement qu’en jean et blouson. Mais je crois que je n’y étais pas retourné depuis peut-être 2 ou 3 ans.
La dame qui réceptionne les vêtements est toujours la même. Inchangée et quand elle m’avoue son âge - 72 ans -, je ne peux que la féliciter ; je lui en aurais donné 10 de moins.
Elle m’avoue qu’elle continue à travailler car si elle devait arrêter, elle se retrouverait toute seule dans son petit appartement… Seule, car elle ne voit plus ses enfants ni ses petits enfants. Une brouille stupide.
M. me dit qu’elle a avec elle ses écrits ; ceux dont elle m’avait parlé. « Moi aussi j’écris. Vous voudriez les lire un jour ? », m’avait-elle dit.
Si elle veut me les confier pour que je les lise… Elle sort de son sac une pochette plastique contenant quelques feuillets et me la remet. Je suis sincèrement très surpris et heureux à la fois par sa confiance.
Je lui rappelle que nous avons ce projet d’une journée à la mer avec elle. De son côté, il y a encore quelques obstacles à lever, mais je crois qu’elle est heureuse que nous pensions à elle pour cet aller-retour à Deauville (ou ailleurs).
Il pleut. Je me dirige vers le kiosque en sifflotant. Ma vie est belle. Je rencontre des gens formidables. Un peu cabossés parfois, mais formidables.
Pascal et Utah sont assis sous le auvent, à l’abri de la pluie. J’échange un long moment avec Jean-Michel. Comme d’habitude, nous parlons de tout et de rien. Mais surtout de tout !
Pascal vient chercher un café et me dit que M. vient de passer.
- « Je sais, je l’ai croisée et elle m’a donné ses écrits.
- J’aimerais que tu me dises ce que tu en penses. »
Nous sortons nous asseoir, fustigeons de concert Macron, Staline et Mao. Rien que ça ! Je jette un œil à la première feuille de M.. Il s’agit de quelques lignes seulement. Je les trouve très émouvantes. Il y a « quelque chose ». J’en fait part à Pascal qui a dû les lire également et qui partage mon avis.
Martine arrive, puis Wanda et son mari. Je reste un instant à les écouter. Canada (« mais pourquoi n’es-tu pas restée là-bas , demande Wanda à Martine. Tu aurais pu trouver un bûcheron ! », ajoute Pascal), Utah qui se rue dans la mer à Deauville dès que Pascal lui a détaché la laisse, « vous voulez vraiment pas vous asseoir ? Vous avez peur de nous ? » me demande Wanda ; non, je dois partir (j’ai hâte de lire la prose de M.).
J’ai lu. Ce n’est pas très long. Ce premier petit texte, une lettre et un poème. Il y a quelques maladresses de forme, mais ce n’est pas important. L’important c’est cette tension intérieure qui exprime du tragique, de la générosité et de l’espoir.
Faut-il l’encourager à écrire ? Peut-être, j’ai envie de dire que je n’en sais rien et en même temps, si, il faut y aller : elle m’a dit plusieurs fois qu’elle aimerait écrire, elle m’a interrogé sur une méthode. Elle a la volonté. Mais il faudra peut-être l’aider. Comment ? Je l’ignore.
Je suis allé déjeuner avec Z. Mais c’est une autre histoire.
En fin d’après-midi j’avais rendez-vous au Pathé-Opera pour visiter le nouveau siège de Pathé ; une rénovation réalisée par l’agence de l’architecte-star, Renzo Piano. La pièce-maîtresse des nouveaux aménagements est ce puits de lumière que l’on peut observer juste en entrant dans le hall du bâtiment, après avoir admiré l’escalier double d’origine, de style art-déco. A remarquer les montagnes stylisées dans les garde-corps et les boiseries qui rappellent que ce cinéma fut jadis un Paramount. L’autre pièce-maitresse, c’est la terrasse (le « roof-top »). Au premier plan, les toits de l’Opera Garnier et puis Montmartre un peu plus loin, et tout Paris à 360 degrés. Exceptionnel !
Mais qui dira à Emmanuel Macron que ses pattes sont décidément trop longues ?
C’est ainsi que les hommes vivent.