dimanche 17 mars 2013

Château La Coste : un concentré d'épicurisme


Le domaine de Château La Coste est situé un peu au Nord d'Aix-en-Provence, sur la commune de Le Puy-Sainte-Réparade. C'est en 2003 que Patrick McKillen, un riche homme d'affaires et collectionneur irlandais ayant fait fortune dans l'immobilier, acquiert cette propriété de 180 ha - dont 130 de vignes - avec dans l'idée le concept original de marier art, architecture et vin. 
Depuis juin 2011, il est ainsi possible d'effectuer une promenade d'environ une heure et demie sur un chemin parsemé d’œuvres d'art et d'architecture, aménagé sur les coteaux de la propriété. Parmi les premières, on retiendra l’œuvre intitulée Aix de Richard Serra : trois lames de métal gris-bleu, scarifiées par la rouille, qui semblent surgir de la colline comme les vestiges d'une installation mystérieuse ; la Oak Room d'Andy Goldworthy invite le marcheur à pénétrer sous terre dans un espace circulaire sombre, dont la voûte est constituée de morceaux de bois disposés de manière concentrique, et dont la taille diminue progressivement depuis le sol jusqu'au sommet à la manière d'un nid renversé ; à mi-chemin entre art et architecture, l'installation "Multiplied Resistance Screened" de Liam Gillick, propose au visiteur de manipuler plusieurs claustras de métal colorés qu'il peut faire coulisser parallèlement les uns aux autres, afin de créer un espace original constitué de la superposition de barres de couleurs différentes avec un effet proche de l'art cinétique ; le peintre Sean Scully s'est exercé à la sculpture avec l'édification d'un parallélépipède de 20 mètres de longueur, 8 mètres de large et 4 de hauteur, Wall of Light Cubed, composé de blocs de pierre de couleur rose et ardoise, striés verticalement par les tiges de forage pour la mise en place des explosifs, et dressés dans un appareillage quasi cyclopéen.
Côté architecture, plusieurs œuvres de l'architecte japonais Tadao Ando sont remarquables. A commencer par le pavillon d'accueil et le restaurant installés au milieu d'un jeu de bassins, de la surface desquels surgissent la silhouette inquiétante d'une Crouching Spider, une immense araignée de Louise Bourgeois, ou la géométrie parfaite et ésotérique d'Infinity, paraboloïde hyperbolique en acier inoxydable, d'Hiroshi Sugimoto. Le béton calepiné selon le "jo" (dimension d'un élément de tatami), marqué des emplacements des trous de banches, et la pureté des façades en verre, signent ici le travail du grand architecte japonais. Sur le point le plus élevé du parcours, Ando a relevé les vestiges d'une ancienne chapelle du XVIe siècle qu'il a placée dans une chasse en verre et métal dessinée avec une très grande simplicité et beaucoup de délicatesse. Ailleurs, c'est un pavillon entièrement en bois sombre qui accueille en son centre une installation composée de 4 cubes de verre sérigraphiée, Four cubes to contemplate our environment, que le visiteur découvre après un cheminement en pente douce (initiatique ?) dans un couloir très faiblement éclairé par quelques fentes inscrites subtilement dans l'enveloppe.  

samedi 16 mars 2013

Quoi de neuf ? Une andouillette !

Sublime découverte hier à Hyères d'une très honorable andouillette, celle de Lauris dans le Var, petite commune située au nord de La Roque-d'Anthéron la musicale. Il semblerait que ce produit magnifique, apparentée en terme de goût et de texture à la famille des Duval (Drancy), Hardouin (Vouvray) et Colin (Chablis), serait issu des coulisses de la Boucherie Pourcin, tenue par Nathalie et  Jean-Paul Cuxcac.
Elle nous fut servie sur un lit de frites maison moelleuses et un buisson de roquette parfaitement relevée par une vinaigrette également maison.
Le restaurant s'appelle Le Baraza. Il est situé à proximité du casino municipal ; lequel ne peut compter sur ce bar à vins tout à fait recommandable pour accroître sa fréquentation en clients désespérés !
Merci à Michel-Yves et Geneviève (qui se reconnaîtront s'ils parviennent jusqu'ici) pour cette découverte.

dimanche 3 mars 2013

L'apiculture selon Samuel Beckett de Martin Page

 
"L'apiculture selon Samuel Beckett" est un très court roman (moins de cent pages), écrit dans un style narratif léger et précis (il s'agit d'un journal), ponctué de paroles imaginaires dites par le grand écrivain du théâtre de l'absurde ("une idiote étiquette qu'on m'a collée"), qui sont autant d'invitations à regarder le monde autrement (n'est-ce pas la contribution essentielle de la littérature à la vie que d'offrir la possibilité d'une lecture différente du quotidien ?).
L'histoire est amusante : celle d'un doctorant en anthropologie engagé par Beckett pour classer ses archives et dont la mission est rapidement détournée par l’écrivain en falsification de ses archives car "Il faut prendre les archives comme une fiction construite par un écrivain et non comme la vérité". Le journal de cette complicité qui durera trois mois et demi révèle un Beckett très éloigné de l'image que nous pouvons avoir de lui - intellectuel presque inaccessible et l'homme au visage dur de ses portraits photographiques -, capable d'excentricités (notamment vestimentaires ou de "look" qui interrogent sur notre regard aux autres), de se passionner pour les abeilles, la cuisine ou le chocolat chaud. Mais il reste l'écrivain iconoclaste fustigeant, à l'occasion de la représentation de Godot dans une prison, les spectateurs qui sont venus de l'extérieur, ces riches qui "sont les vrais coupables. Il est logique qu'ils visitent le lieu qui devrait les accueillir.", ou comparant les supermarchés à des cimetières, "plein de morts, mais (c'est) plus coloré."





Martin Page distille à l'occasion quelques réflexions qui résonnent dans le contexte actuel. Ainsi Beckett qui se souvient de la guerre et des années de résistance, une époque où "les classes sociales étaient abolies : l'intellectuel se trouvait aux côtés de l'ouvrier, le riche était le complice du pauvre.", une époque où "on pouvait se parler et s'entendre. Se comprendre. (...) Où les gens avaient conscience que la vie était précieuse et se jouait à chaque instant (...)"
 Beckett-Page qui considère les années 80 et "les socialistes au pouvoir depuis quatre ans" qui "ont déjà cessé d'être de gauche." 
Et puis enfin ce regard sur l’œuvre littéraire : "Il faut abandonner l'idée d'être compris et bien lu. Le malentendu est la règle. Si on peut vivre en partie grâce à ce malentendu, alors tant mieux."