dimanche 31 juillet 2011

L'intranquille


L'intranquille, autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou - c'est le titre complet de ce livre - est le récit d'une trajectoire tourmentée, celle de Gérard Garouste, aujourd'hui peintre de très grande notoriété, dont la jeunesse fut comme torturée par la personnalité trouble d'un père viscéralement antisémite et violent au sein du huis clos familial.
L'une des premières phrases du livre est la suivante : "Il était dans son lit, la tête posée sur les mains, il semblait dormir tranquillement, en accord avec lui-même. Mais il était mort et j'étais soulagé." Il s'agit de son père. Pourtant il ne peut s'empêcher de l'aimer ; lui qui lui a murmuré à l'oreille, lors d'un de ses multiples séjours en hôpital psychiatrique : "pense à tes fils, pense à Guillaume et Olivier". Paroles dont Garouste dit : "C'était ce qu'il fallait dire. Il savait que la qualité d'une vie se mesure à la distance d'un père à son fils."
C'est également un livre qui parle d'un parcours initiatique qui conduit l'adolescent rebelle qui n'aime que dessiner, au peintre auteur d'une œuvre très personnelle en "forme de circonstance atténuante", dont l'inspiration est puisée aux sources des mots puissants de la Bible, dans une révolte contre la religion chrétienne qui a dénaturé le texte originel afin d'asservir les faibles, dans une recherche perpétuelle de "cette idée, à laquelle je tiens, qu'on représente une chose et qu'on en raconte une autre."
Extraits :
"Qu'on ne me demande pas si je suis encore athée, c'est une question de catholique qui oblige à se situer par rapport à la foi. Je me fous de l'existence de Dieu, appelons le x et raisonnons sur nous-mêmes. J'ai besoin d'une réflexion sur l'être et la connaissance, j'y vois comme une architecture de la pensée. Si les révolutions ont échoué, c'est je crois parce qu'elles n'offraient pas d'ouverture métaphysique, elles plaquaient trop de certitudes sur l'origine de l'homme et son destin."
"A trente ans, j'ai fait un rêve. Une voix me disait : il y a deux sortes d'individus dans la vie, les Classiques et les Indiens. (...) Le Classique est un homme pétri par la norme, il n'inventera jamais rien, ne fera qu'obéir et suivre le mouvement en rêvant d'ascension sociale. C'est mon père. L'Indien est un intuitif, un insoumis, un créatif. (...) Mais l'extrême Indien court vers la folie. je le sais pour avoir croisé quelques Apaches dans les hôpitaux psychiatriques."

Merci à Gio qui se reconnaîtra ; si elle vient jusqu'ici...

mercredi 27 juillet 2011

La cinquième femme



Un magnifique roman d'Henning Mankell qui traite de la violence faite aux femmes. Ce n'est pas un petit sujet : au moins 2.000.000 de femmes sont victimes de violence conjugale en France,
400 meurent sous les coups de leur conjoint chaque année, soit plus d'une femme par jour. Entre 1990 et 1999, sur Paris et sa proche banlieue, plus de 300 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint... Terrifiant !
Le commissaire Kurt Wallander, personnage un peu fragile, sensible, profondément attaché au respect de l'autre, un presque "indigné", va être entrainé dans une histoire où les meurtres se succèdent au gré de mises en scène particulièrement cruelles, sans liens apparents les unes avec les autres. Petit à petit la conviction de Wallander va se forger : toutes les victimes ont un point commun. Lequel ? Pour quelles raisons ?
J'ai lu "La cinquième femme" dans un nouveau format de poche avec un papier-bible, dont on m'a indiqué qu'il avait été conçu pour concurrencer le Ipad. C'est de mon point de vue plutôt réussi. A recommander à ceux qui lisent en marchant !

mardi 26 juillet 2011

La France aux français !

Le gouvernement veut limiter l'accès aux métiers du BTP aux étrangers, au prétexte de former et attirer des jeunes bien de chez nous vers ce métier. Le prétexte est bien trouvé, mais tout ça ne participe-t-il pas d'une politique véritablement discriminatoire ?
Ne pas oublier que les étrangers représentent une matière première comme les autres : quand on en a besoin, on va la chercher ; quand on n'en a plus besoin, on ferme le robinet ou on affrète les charters. Pratique.
Et si on s'attaquait au système quasi féodal qui sévit dans certains secteurs du BTP plutôt que de priver de boulot des types qui acceptent, souvent pour un salaire de misère et parce qu'ils n'ont pas le choix, des tâches pénibles ou ingrates ?
La solidarité dont notre monde a besoin s'arrête-t-elle à nos frontières ?
Après s'être servi copieusement les siècles passés (les siècles passés ?) dans les "colonies", notre conscience (un minimum) ne nous soufflerait-elle pas à l'oreille de "renvoyer l'ascenseur" ?

dimanche 24 juillet 2011

Quoi de neuf ? Bilbao ! Matière du temps.



Bien sûr Bilbao, c'est d'abord le "Guggenheim" qui, avec ses 14 années d'existence, n'a pas pris une seule ride, vieillit très bien - contrairement à certaines "oeuvres" architecturales qui laissent imaginer leur délabrement futur, même avant le terme de leur garantie décennale. On peut trouver un peu gauche cette marquise plantée sur le haut d'un pilier trop lourd côté fleuve, et peut-être regretter un ou deux autres détails, mais l'ensemble témoigne d'une fulgurance géniale (n'ayons pas peur des pléonasmes !) tant dans le choix du site et son dialogue avec ce pont un peu kitsch, que dans l'exercice de drapés de titane qui réinvente la statuaire baroque, et jusqu'aux espaces intérieurs dont on n'achève jamais de découvrir les perspectives tourmentées.
Dans l'espace que Franck Gerhy avoue avoir conçu pour l'oeuvre sculpturale de Richard Serra, celle-ci parait sublimée dans un volume à sa mesure, d'un blanc immaculé. Dans la confrontation entre art et architecture où le visiteur est un acteur essentiel, s'établit une dimension à la fois matérielle et spirituelle. "Matière du temps", nom que Serra a donné à ces oeuvres de métal gigantesques, révèle une certaine intimité de l'espace et du temps en proposant des parcours où se mêlent les notions de fini et d'infini - enceinte / horizon - où se conjuguent l'écho des forces telluriques d'une matière domptée et la délicatesse d'une courbe rouge-orangée, ou le mystère d'un mur noir-scarifié.

vendredi 22 juillet 2011

Le livre des brèves amours éternelles


Réduire le dernier roman d'Andreï Makine à de courtes histoires d'amour empreintes d'une très belle nostalgie n'est pas satisfaisant. A travers le destin tragique de Dmitri Ress, révolté "contre un monde où la haine est la règle et l'amour, une étrange anomalie", Makine nous invite à porter un regard moins manichéen sur l'existence et, comme Ress, à aller "bien au-delà des doctrines", car ce qui est essentiel c'est de parvenir à "rendre éternelle la beauté" ; celle de ces petits fragments de notre existence auxquels le seul "fait d'aimer" donne le privilège de l'éternité.

C'est un livre immense de tendresse, de tolérance, d'attention, servi par un style d'une remarquable élégance poétique ; sans emphase, avec des pointes d'humour teintées d'amertume qui sont autant de "touches" d'un esprit libre.

"J'ai du attendre plus encore avant de comprendre véritablement qu'elles étaient cette offrande humble et précieuse que j'avais reçue d'elles. Le pays de notre jeunesse a sombré en emportant dans son naufrage tant de destins restés anonymes. Cette jeune fille retrouvant sur un disque la mélodie que nous aimions, sa mère poussant un sac en toile entre les mains d'un prisonnier, moi-même clopinant dans la boue sur ma jambe cassée... Et une myriades d'autres existences, douleurs, espoirs, deuils, promesses. (...) Restent seuls, à présent, la lumière de mars, le souffle enivrant des neiges sous l'éblouissement des rayons, le bois d'un vieil embarcadère, ces planches chauffées par une longue journée de soleil. reste la touche claire d'une robe, sur le perron d'une maisonnette en rondins. Et le geste d'une main qui m'envoie ses adieux. (...) Reste ce paradis fugace dont l'éternité n'a pas besoin de doctrines."

jeudi 21 juillet 2011

Scintillation


L'histoire se déroule dans un lieu maudit, une presqu'île, définitivement contaminée par un complexe chimique désormais fermé. L'Intraville est située à proximité du site interdit ; c'est la cité des anciens travailleurs du consortium. Un grand nombre de ses habitants sont affectés de maladies étranges ; des animaux marins et des forêts alentours présentent des mutations inquiétantes. Plus loin, hors de portée des nuisances, il y a l'Extraville réservée aux gens riches. La disparition de plusieurs adolescents de l'Intraville reste inexpliquée. Que fait John Morrison, celui qui fait office de flic, et quel rôle joue-t-il lui qui a découvert le premier cadavre, grimé dans une mise en scène ésotérique ? Et Brian Smith, le promoteur véreux qui semble "tenir" Morrison : quel intérêt a-t-il à ce que ces disparitions soient étouffées ?
Léonard est un jeune adolescent de l'Intraville dont le père est en fin de vie ; sa mère les a quittés alors qu'il était encore enfant. Léonard est libre. Il parcourt régulièrement les installations de l'usine en dépit des risques. Il est aussi amoureux des livres ; les grands : Anna Karénine, Moby Dick, Crimes et châtiments, A la recherche du temps perdu... Il suit les conseils de John, le bibliothécaire fou, et il aime la compagnie de "l'Homme-Papillon" qui poursuit une étude scientifique aux abords de l'usine. Sa petite amie, Elspeth, l'initie à des jeux sexuels. Mais l'un des amis de Léonard fait partie des disparus. L'adolescent va alors s'embarquer, avec la complicité d'une bande de minables, dans une histoire sordide.
John Burnside, l'auteur de "Scintillation", a écrit un livre noir dans lequel il aborde un grand nombre de thèmes : la contamination industrielle, la rapacité des puissants, la sexualité débridée des adolescents, l'importance de la littérature, la violence gratuite, un monde sans Dieu, le préjugé, l'irrationnel, etc. On sort un peu sonné de ce livre avec de multiples questions. L'atmosphère du "Silence des agneaux", ou du "Blue velvet" de David Lynch n'est jamais loin ; "L'île du docteur Moreau" de H.G. Wells non plus.
"Scintillation sera "en bac" fin aout ; c'est donc une exclu Everybody Knows avec la complicité de Pierre LC qui se reconnaîtra ; s'il vient jusqu'ici...

Un peu "allumé" sur les bords ce Burnside ?

La Cité de l'Océan et du surf d'Ilbarritz

"Sans liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur" (Beaumarchais)

Inaugurée de fraîche date (le 25 juin dernier) et en grande pompe, la fameuse Cité de l'Océan et du surf (O majuscule et s minuscule) est un bâtiment pour le moins étonnant, voire déroutant ; à l'image de la production de son concepteur, Steven Holl, célèbre architecte américain habile à mélanger les genres en puisant dans la veine déconstructiviste - sans les audaces d'un Coop Himmelb(l)au, la fulgurance d'un Gerhy, ou la fluidité des oeuvres de Zaha Hadid.
Pour ce projet, Steven Holl s'est associé à sa consœur brésilienne, Solange Fabiao.
Régulièrement invité à l'occasion des grands concours de musées (Fondation Pinault sur l'Ile Seguin ou le Louvre de Lens), Steven Holl, "jeune architecte" de 64 ans, a signé un assez grand nombre de réalisations de lieux culturels, un peu partout dans le monde. Les photos de l'extension du Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City donnent à voir une oeuvre d'une très grande beauté plastique.
Avec la Cité de l'Océan située au sud de la commune de Biarritz, il s'agit de sa deuxième réalisation en France, avec un complexe hôtelier près de Colmar dont la silhouette s'inspire de formes végétales : branchages et bourgeons.
Le terrain d'accueil du bâtiment est en contrebas du Château d'Ilbarritz, grande bâtisse assez triste édifiée en 1897 par un ingénieux et richissime misanthrope, le Baron de l'Espée, afin d'y loger le plus grand orgue privé jamais construit et, accessoirement, ses rares conquêtes féminines.

La plage - et donc la mer - est à quelques centaines de mètres du bâtiment ; le lien avec le sable et les vagues est matérialisé par un cheminement paysager ondulant - et en devenir - dessiné "à la manière de" Roberto Burle Marx.

Originellement dédiée au surf, la Cité est plutôt devenue celle de l'Océan ; concept jugé probablement plus "bankable". Qu'importe, l'image originelle du projet n'a pas changé depuis 2005, date à laquelle Steven Holl avait été choisi à l'issue d'un concours "classique" d'architecture. La vie du projet ne fut pas exactement "une longue vague tranquille" : changement de nom, mais également de portage, puisqu'il fut décidé d'avoir recours à la formule "PPP" que Vinci remportait en 2007.
Pour ce qui est du concept architectural : le croquis de Steven Holl reproduit ci-dessous résume le propos.

Ajouter à cela un lien supplémentaire quasi-géodésique, sinon spirituelle, entre les deux rochers principaux de la plage et les émergences vitrées de la "place publique", et vous avez pratiquement l'intégralité du concept. Avec un peu d'imagination, la concavité peut évoquer la vague ; ou la glisse. Concrètement, pour ce qui est de la glisse, les skatters devront s'équiper d'un matériel tout terrain puisque les rampes sont recouvertes de pavés à l'appareillage maladroit, inspiré (?) du revêtement traditionnel des rues portugaises (?). Pour des raisons de sécurité - et de toute manière inopérante (et incongrue) - la grande baignoire au paroi lisse devrait être comblée prochainement.
La "place publique" est en pente douce, orientée vers la plage ; les connaisseurs reconnaitront un hommage possible à Claude Parent ...

L'intégralité du programme ludo-scientifique de la Cité est enterrée sous la vague. Seuls sans doute des aficionados de l'écran tactile et du gadget électro-informatique pourront trouver un bonheur provisoire dans la fréquentation d'une petite dizaine d'attractions vulgarisatrices.

La vue la plus intéressante du bâtiment est certainement celle qui accueille le visiteur ; c'est à dire celle qui tourne le dos à la mer. Les volumes et les lignes s'équilibrent, et la longue courbe dialogue assez subtilement avec le volume précis de l'entrée.
Le dialogue est moins heureux en revanche côté océan. Courbes, cubes, bulbes inversés se télescopent sans ménagement, et sans véritable grâce. On pense à quelques projets assagis d'Henri Gaudin, sans la poésie.

Que dire de cette "place publique" ? Son traitement pavé et l'herbe qui pointe sa tige par endroit auraient pu apporter au bâtiment une ambivalence intéressante : résurgence d'une certaine matérialité historique contre modernité du traitement des formes. Tout ça tombe à plat. L'inspiration d'un Piano réinventant pour le petit bâtiment de l'Ircam l'usage de la brique n'est cette fois pas au rendez-vous, et les pavés appliqués sur les parois verticales dans des alignements rudimentaires expriment tout sauf une intelligence constructive.

De cette Cité achevée à la hâte, le visiteur s'interrogera forcément sur la capacité de certaines de ses finitions extérieures - déjà essoufflées - à surmonter les assauts marins.
Il reste une très belle terrasse que la belle société (on l'espère) se disputera lors des chaudes soirées d'été. Et un directeur passionné qui doit s'accrocher à un rêve : faire exister longtemps la plage sous les pavés !

mercredi 20 juillet 2011

Stade de Bordeaux (le clip)


On connait donc depuis hier le lauréat "pressenti" du concours en PPP (Partenariat Public Privé) pour la réalisation et l'exploitation du nouveau stade de Bordeaux. On peut même voir sur le web un "clip" présentant "ce bol entouré de coursives qui donnent à voir le stade d'un côté, le ciel de l'autre" (dixit Pierre de Meuron, l'architecte). Ou comment le sport et les ustensiles de cuisine - jadis on parlait de "chaudron" - poursuivent leur correspondance ; à quand "la passoire", "le chinois", et évidemment "le faitout", puisque le destin de ces stades est d'être "mutables" en salle de spectacles (concerts et shows en tout genre) ? Revenons sur ce "clip". Pas simple de se faire une idée précise de l'architecture (mais est-ce bien le sujet ?). On l'entrevoit en travelling lent entre plusieurs scénettes sensées montrer un échantillon représentatif (mais trié sur le volet) des futurs consommateurs de l'équipement. Un enfant qui trottine dans les hautes herbes, une jolie jeune femme qui se regarde être filmée dans les rues de Bordeaux et un jeune homme VIP aux lunettes façon jeune UMP content de lui dans son cabriolet (c'est du Sardou qui passe sur sa chaine HiFi ?). Le gamin et la jeune femme vont assister à un match de foot (on n'arrive pas à y croire pour la seconde). L'autre icône, le foot c'est pas son truc (ça se voyait dès le début du clip ; il a plutôt une tête à payer 150€ une place pour Johnny). Effectivement, on le voit aller à un concert. Dans les deux cas, la foule est en délire.
De l'architecture elle-même on saisira au passage une forêt dense de "piliers" élancés (plus probablement des tirants) façon péristyle revisité, la sous-face du "bol" dessinée en négatif des gradins et qui affiche ainsi sa fonction (note pour les étudiants : "form follows function"), et le rectangle parfait, d'une finesse exemplaire, de la toiture (faites pas ch.. les ingénieurs !). Les vues générales de l'ouvrage sont nocturnes.(A noter : toujours se méfier des vues nocturnes en architecture !). Dommage, on avait cru distinguer sur un autre clip, à la télé cette fois, une pliure assez délicate aux angles de la toiture façon origami (avions-nous rêvé ?).
Bon, donc pas grand chose à dire sur l'architecture : sage ? fine ? réglée ? propre ? On est assez loin de la fulgurance du "nid d'oiseau" de Pékin, inspiré par Ai Weiwei, ou de celle de l'Allianz Arena de Munich. Mais vous me direz (façon Arletty) : "fulgurance, fulgurance, ...".
Autre chose (la dernière), la fin du clip est symptomatique de la dérive de l'architecture des grands projets aujourd'hui : les noms des deux groupes de BTP apparaissent en gros, au-dessus d'un "et l'agence d'architecture Herzog et de Meuron", en nettement plus petit... Basta. Les ingénieurs qui font tenir tout ça comptent pour du beurre, mais c'est une habitude. Dans le monde du cinéma, le plus mauvais des films n'omet jamais de dérouler un générique dans lequel le dernier des stagiaires accessoiristes est nommé. L'architecture qui se fait maintenant son cinéma pourrait en prendre de la graine...
Ceci étant, j'ai toute confiance dans le talent des deux compères pour faire de ce "bol", sinon une "coupe", du moins un objet architectural de qualité dont la destination sera d'accueillir les productions de la société du spectacle.
Question subsidiaire : quels sont aujourd'hui les "vrais" sujets de l'architecture dans son rôle de création du lien social ? Réponse : les centres commerciaux et les stades !
(réponse inspirée d'une conversation datant de plus de 10 ans avec l'un des "grands" architectes français).

dimanche 17 juillet 2011

La vie très privée de Mr Sim


Quand au bout de quinze ans de vie commune, votre femme vous lâche en vous jetant un : "Comment peut-on avoir de l'affection pour un homme qui ne s'aime pas lui-même ?", et qu'elle vous quitte brutalement, il se peut que vous entriez en dépression. Ce n'est certainement pas de revoir votre père avec lequel vous n'avez jamais rien partagé et qui est parti vivre - pour une raison inconnue et que vous allez découvrir 250 pages plus loin - à l'autre bout du monde, en Australie, qui va arranger les choses. Et puis vous semblez vivre une vie qui vous échappe. Dans un restaurant de Sydney vous remarquez une jolie chinoise et sa fille dont la complicité vous stupéfait et vous attire ; vous sentez qu'il faut absolument que vous rentriez en contact avec cette femme, mais vous n'y parvenez pas. Dans l'avion du retour, vous faites la conversation avec un mort qui sera remplacé à l'escale suivante par une femme qui vous attire - encore ! C'est une "faiseuse d'adultères" qui vous autorise à lire une lettre que son oncle chéri lui a écrite, et qui concerne les aventures d'un dénommé Donald Crowhurst, navigateur et mystificateur minable, qui a fait croire quelques temps au monde entier dans les années 70 qu'il était en passe de gagner le tour du monde en solitaire sur un trimaran bricolé alors qu'il s'était planqué au large de l'Afrique. Alors ce type et son histoire vont vous obséder quand vous allez être embarqué, un peu par hasard, dans une sorte de rallye ridicule monté par un fabricant de brosses à dents soucieux de développement durable. Et vous tomberez amoureux d'Emma, la voix de votre GPS, la seule femme qui semble ne pas vous juger. Avec elle, vous allez parcourir l'Ecosse et revivre des scènes de votre passé ; rencontrer votre premier amour, découvrir que certains êtres ne sont pas ceux que l'on croit connaître. Bien entendu, il est peu probable que cette succession d'aventures parvienne à soigner votre dépression ; d'autant qu'Emma va, elle aussi, vous abandonner. Alors dans certains cas, il vaut peut-être mieux "toucher le fond de la piscine". C'est ainsi que la police vous retrouvera dans votre voiture, nu et en hypothermie, entouré de bouteilles de Whisky, et avec un stock de 400 brosses à dent et un sac poubelle rempli de cartes postales dans le coffre. La belle chinoise peut-elle encore quelque chose pour vous ? Il suffit d'aller à sa recherche à l'autre bout du monde. Et vous découvrirez encore un autre personnage : vous-même !
Difficile de ne pas rester énigmatique à propos de ce livre que Jonathan Coe, l'auteur des superbes romans "Testament à l'anglaise" et "La maison du sommeil", a écrit avec une jubilation certaine.
C'est léger, c'est drôle. Ça écorche notre société par endroit. C'est parfait pour la plage ; mais pas seulement.

vendredi 15 juillet 2011

Roberto Burle Marx


Vous avez encore jusqu'au 24 juillet pour vous précipiter à la Cité de l'Architecture et de l'Urbanisme afin de parcourir l'exposition consacrée au "plus grand paysagiste du XXème siècle". Vous en profiterez pour déambuler dans l'autre exposition, "La ville fertile", qui traite d'un très grand nombre de projets urbains dans lesquels la ville et le paysage (ou la "campagne" si vous voulez) ne s'opposent pas, au contraire ; une préfiguration de la ville idéale de demain ?

Pour revenir au magicien Marx, tout son travail s'est attaché à conjuguer l'art, la nature, la vie des hommes et le plaisir. Marx aimait chanter, cuisiner, recevoir des amis et regarder ses plantes pousser. C'était un homme qui considérait que le "temps" représentait un paramètre fondamental de la réussite d'un projet. Il composait ses projets comme des tableaux. On lui doit - entre autres - la déclinaison d'une "salsa marine" sur le trottoir qui longe la plage de Copacabana à Rio.

Son projet de 1993 pour la Place Rosa Luxembourg à Berlin avait été refusé par les habitants. Le prétexte est formidable : " Le projet de la place, mémorial en l'honneur de Rosa Luxembourg cherchait à inonder de couleur ce quartier gris de Berlin Est. Il se heurta cependant à la réaction des habitants, qui le vécurent comme un changement de trop dans leur vie."

Il portait sur son existence ce regard délicieux : "D'une certaine manière, j'ai été le poète de ma propre vie."

dimanche 10 juillet 2011

Quoi de neuf ? Weimar !


Weimar est une ville tranquille du land de Thuringe en Allemagne. Elle est située sensiblement à égale distance (270 km) de Francfort et Berlin ; au Nord-Est de la première et au Sud-Ouest de la seconde. Une rivière au cours calme et mesuré, l'Ilm, semble frôler la ville dans une sorte d'attention délicate, invitant ses habitants et les gens de passage à la contempler dans un parc au charme romantique. Goethe qui est ici chez lui, fut un promeneur assidu des berges de l'Ilm. Sans doute Schiller - un autre hôte de prestige de Weimar - trouva-t-il dans ces paysages bucoliques l'inspiration poétique.
L'atmosphère qui se dégage de ses rue pavées, souvent plantées d'arbres aux frondaisons agréables, des places aux allures impériales ou d'autres, plus intimes, agrémentées d'une modeste fontaine, invite à la curiosité des sens.
Les attelages des calèches qui sillonnent la ville aux heures d'affluence touristique martèlent sur le pavé un ostinato aux accents aristocratiques.

Il n'est pas rare qu'au détour d'une ruelle, les fantômes de Bach, Liszt ou Chopin égrainent pour vous quelques notes de musique qui donnent à la flânerie un charme supplémentaire.

La place de l'hôtel de ville présente quelques façades reconstruites dans le style d'avant la folie nazie : pignons à redans, poutres aux couleurs vives, volutes, sculptures naïves, ... L'Hôtel Eléphant qui siège sur cette place affiche au contraire une très grande retenue, comme si la liste impressionnante des clients illustres de cette institution, souvent hommes de lettres - Thomas Mann Hemingway, Heinrich Böll,Thomas Bernhard, etc. - lui épargnait définitivement l'exercice de la séduction architecturale. Mais il faut y entrer, pousser les tristes battants de verre qui se sont substitués à l'ancienne porte à tambour en acajou (laquelle trône dans le hall, désormais muette et inutile), et jeter un oeil aux espaces de réception décorés dans le style germanique des années 30-40 : grands espaces, rigueur géométrique, marbres et bois sombres, luminaires aux lignes épurés, ...
Dommage que les porte-clés des chambres ne soient pas en vente ; et dommage qu'il soit répréhensible de les voler ! (ils ne vous font pas penser à quelque chose ?)

Weimar, c'est aussi le Bauhaus, cette formidable invention de l'architecte Gropius qui voulait développer les correspondances entre arts et réalisation. Jugée subversive l'université sera dissoute par les nazis en 1937.
A propos de nazis. A quelques dix kilomètres à peine de cette quiétude culturelle ils avaient étudié, conçu, construit avec une application autant laborieuse que démoniaque le camp de Buchenwald. On peut y voir les vestiges d'un mini zoo de rocailles réalisé pour l'agrément des enfants des gardiens SS, placé à quelques mètres de l'enceinte de barbelés et de la sinistre place de l'appel.
La culture n'est en aucun cas un rempart suffisant à la barbarie.


"A chacun selon son du"

mardi 5 juillet 2011

Veinard(e)s

On a (presque) tout changé à droite !

Le garçon qui voulait dormir


Dans ce roman, à l'écriture simple et profonde, Aharon Appelfeld nous invite à partager l'errance et les rêves nocturnes d'Erwin, un jeune juif de 17 ans, rescapé de la guerre après avoir été reclus dans une cave, deux années durant.
Evadé de sa cachette, Erwin va rejoindre le flot des réfugiés, survivants des camps, qui fuient vers l'Italie. Mais il va immédiatement sombrer dans un profond sommeil et il ne devra la vie qu'à tous ces êtres affamés, dénués de tout, qui font l'effort supplémentaire de ne pas l'abandonner.
Arrivée à Naples, il émerge progressivement du sommeil, mais c'est dans ses rêves qu'il rejoint ses proches ; son père, l'écrivain raté, et sa mère, personnage d'une infinie douceur et sagesse.
Il est enrôlé dans les jeunesses juives dont l'ambition est de créer un nouveau peuple en Israël. Débarqué clandestinement dans les montagnes de Judée, le jeune Erwin participe aux tâches de construction et fait l'amère expérience de la guerre où il est blessé très gravement aux deux jambes.
Une autre histoire s'engage alors car Erwin est convaincu qu'il doit devenir écrivain. Ses parents le lui ont dit dans ses rêves. L'auteur fait un parallèle entre les épreuves qu'Erwin doit endurer pour sauver ses jambes, et le travail long et douloureux de l'apprentissage de l'écriture.
Extrait d'une conversation avec son père dans un rêve :
"Il me demanda si je voulais devenir écrivain. "Je m'exerce, en espérant qu'un jour je trouverai la musique cachée."
Son père encore : "Mon père avait des règles d'airain : ne pas mettre en avant son "moi", ni en parlant ni en écrivant. Exprimer une opinion ou un sentiment avant l'exposition des faits est inconcevable. Porter attention aux détails constitue la plus belle parure du langage. Faire preuve de finesse, toujours. Ne jamais se prendre au sérieux. Réserver un espace à l'ironie, qui distingue entre un homme qui pense et un homme qui se contente d'aligner des mots."
Lecture à recommander à ceux qui veulent devenir écrivain !