jeudi 30 septembre 2010

Dans quel pays sommes-nous ?

Mardi matin, avenue des Champs-Elysées aux abords du carrefour avec l'avenue de Marigny (celle qui conduit à l'Elysée). Deux feux distants de 200 à 300 m. Premier feu : 2 jeunes noirs et une jeune fille ; tous les trois équipés d'un gilet fluo vert, d'une tablette et d'un stylo. Ils attendent que les voitures s'arrêtent au feu pour se précipiter vers les conducteurs et leur proposer un questionnaire. On les voit qui griffonnent à toute allure sur leur feuille de papier fixée à la tablette. Et puis le feu passe au vert. Les voitures démarrent à fond comme il se doit et les jeunes n'ont plus qu'à tenter de regagner au plus vite les trottoirs en courant et en se faufilant entre le flot des voitures qui dévalent à présent en trombe l'avenue. Second feu : encore deux jeunes noirs, mais cette fois-ci il y a avec eux un homme d'origine maghrébine d'une cinquantaine d'années. Même gilet fluot vert, même tablette et stylo. Et même scénario. Attente de l'arrêt des voitures. Ruée vers les chauffeurs. Recueil précipité des données. Les voitures redémarrent. On s'écarte et on tente de ne pas se faire renverser en se rapatriant fissa vers le trottoir...
De quel questionnaire s'agit-il ? Quel sondage mérite un exercice aussi stupide et dangereux ?
Quelques minutes plus tard sur la voie sur berge. Avant de plonger sous le tunnel des Tuileries, le SDF qui "loge" sur une grille d'aération sur le trottoir est de retour. Il a du y passer la nuit. Caractéristique : il n'a pratiquement jamais de couverture. Même quand il pleut. Il y a largement plus d'un an qu'il vit la, sur ce bout de trottoir indigne.
Sortie du tunnel des Tuileries. Sur le bas côté de la voie rapide, il y a un escalier en pierre qui permet d'accéder au quai François Mitterrand et au Pont Neuf. Sur cet escalier encore deux jeunes noirs. Equipés du même gilet fluo. Cette fois ils ont un appareil enregistreur devant la bouche. Ils ont les yeux fixés sur le flot continu des voitures et parlent dans leur appareil. Que comptent-ils ? Que repèrent-ils ? Les marques de voiture ? Les conducteurs seuls ou accompagnés ? Les femmes ? les hommes ? Les blancs ? Les noirs ? J'oubliais : derrière eux il y a un homme d'un certain âge ; leur chef probablement ; il ne fait rien, il contrôle sans doute. Il est blanc.
J'oubliais encore : grille d'aération, cette fois celle en haut de l'avenue de la Grande-Armée avec vue imprenable sur le rond-point de l'Arc de Triomphe, à ras du bitume et des pavés (mieux encore que celles que l'on peut avoir depuis les hôtels particuliers de la contre-allée circulaire) ; une femme ensevelie sous une bâche en plastique entourée d'immondices tout autour d'elle ; un caddie débordant de rebus et de déchets de toute sorte semble abandonné.
Précision : je sais que c'est une femme car il y a plusieurs semaines, je l'ai vue ; cinq ou six flics l'entouraient - à une certaine distance quand même !- et l'obligeaient sans doute à évacuer cette place de rêve...
Dans quel pays sommes-nous ?

mercredi 22 septembre 2010

Place des Vosges

Elle est assise à une table à la terrasse d'un café. Elle prend des notes. Il y a plusieurs petits livres et carnets éparpillés sur la table. Elle a un verre de vin rosé et quelques olives. Elle attend quelqu'un. Un homme arrive sur la terrasse, regarde autour de lui, voit cette femme et se dirige vers elle.
Lui : Bonjour. Ah, c'est vous. Je ne pensais pas. Vous êtes...vous êtes aussi
Elle : Oui, je suis...
Lui : Le "souvenir"
Elle : Oui, mais aussi la trapéziste
Lui : Non, je préfère le "souvenir". Vous permettez que je vous appelle "Souvenir"?
Elle : Bien sûr, mais je préfèrerais que vous m'appeliez F.
Lui : Est-ce un accident ?
Elle :Quoi ?
Lui : Et bien cette chute du trapèze !
Elle : (silence) vous voulez dire dans la pièce ?
Lui : Oui, dans la pièce, si vous voulez, quand vous tombez ; je suis certain que vous le faites exprès, ou plus exactement que vous laissez le destin agir ; et comme le destin n'est pas forcément acrobate ! En fait, vous ne vouliez plus rien faire au moment où vous vous êtes lancée dans le vide. Vous ne vouliez plus rien commander de votre vie.
Elle : Mais, ...
Lui : Et il l'a bien senti, je vous l'assure : il nous l'a dit, vous vous souvenez ? "J'étais sur ma corde, je la regardais, je l'aimais mais je pensais qu'il était possible que je la perde, ce soir, car il y avait dans l'obscurité qui nous séparait une chose étrange, une impression, comme une alerte"
Elle : Une alerte ?
Lui : Oui, une alerte, silencieuse, sournoise, qui s'était installée depuis quelques secondes, portée par les centaines de regards en-dessous de nous qui, les autres soirs, étaient inquiets sans être inquiets... Vous voyez ce que je veux dire ?
Elle : oui, j'ai eu aussi cette impression : une alerte qui se gonflait en-dessous de nous et qui montait lentement comme un brouillard dans une vallée
Lui : comment est-ce possible ?
Elle : je ne sais pas, mais rapidement mon cœur s'est mis à battre et, simultanément, j'ai ressenti une immense lassitude ; vous ne prenez rien ?
Lui : mais ce n'est pas possible ! Une immense lassitude, ça ne se ressent pas subitement, ça monte lentement, oui, comme un brouillard dans une vallée
Elle : c'est drôle que vous repreniez cette image ; je me suis retrouvé il y a quelques années dans un région montagneuse du Japon
Lui : ce n'est pas très original
Elle : non, peut-être, mais c'était une région qui ressemblait aux paysages de certaines estampes japonaises où l'espace semble dilaté, les cascades immenses, quelques maisons en paille posées dans un pli de la montagne, et des personnages à cheval au premier plan qui vont rejoindre sans doute ces maisons
Lui : oui, mais le trapèze ; pourquoi l'avez lâchez ?
Elle : attendez, vous êtes tellement impatient...

mardi 21 septembre 2010

Les soeurs Brelan


Voici un livre de la rentrée littéraire parmi les 700 et quelques ouvrages qui tentent de se faire une place, sinon au soleil, du moins sur les gondoles des libraires, et pour une durée supérieure à quelques jours.
Qu'en dire ? Son auteur, François Vallejo, a déjà écrit 7 romans ; ce n'est donc pas un débutant ; plusieurs ont été primés dont "Ouest", Livre Inter 2007. Pour ma part, c'est (encore) la 1ère fois que je lis cet écrivain.
Une histoire étrange, une écriture simple où se succèdent des phrases courtes, dans un style souvent "parlé" ; des dialogues qui s'intercalent sans guillemets (sans prévenir ?) entre deux éléments de description, une atmosphère particulière.
Trois sœurs, une relation quasi-fusionnelle entre elles, mais des caractères bien différents, dont on suit la vie chaotique, incertaine, mue par une détermination qui provient certainement de cette fusion qui les transcende.
Il y est question de cabinet d'architecte et de bureaux d'études techniques, d'assassin récidiviste et d'agitation révolutionnaire en mai 68, de dépucelage dans une bibliothèque et de "5 à 7" dus au hasard, de recherche d'absolu et d'ambition personnelle, du mur de Berlin et de sanatorium, ...
Est-ce un chef d'œuvre ? Je ne le crois pas. Un livre à recommander ? Pourquoi pas ? Car, tout au long des 285 pages, on poursuit mollement l'auteur avec cette question lancinante : mais où veut-il en venir ?

dimanche 19 septembre 2010

Le mystère Roger Anger


Roger Anger était une sorte d'aventurier ; c'est Claude Parent qui nous l'a dit à l'occasion de son introduction à la conférence de l'architecte indienne Anupama Kundoo qui a travaillé plusieurs années avec l'architecte en chef d'Auroville, et qui a écrit le livre "Roger Anger, recherche sur la beauté".
Il y a un mystère Roger Anger : un début de carrière tonitruant, des quantités de réalisations - surtout dans le logement, et surtout en région parisienne - caractérisées par cette écriture reconnaissable entre toutes inspirée de l'art cinétique autant que sériel, une sorte de tissage simple et savant à la fois, toujours différent et pourtant toujours "signé", un exercice de plastique jubilatoire parfaitement maîtrisé

; et puis le départ pour l'Inde, du côté de Pondichery, Auroville, une cité utopique, inspirée par "la Mère", la possibilité (ou l'illusion ?) de disposer de tout ce dont peut rêver un architecte : un terrain de jeu immense, aucun règlement d'urbanisme imposé, aucune contrainte budgétaire, un programme unique et varié, ...une nouvelle vie qui ressemble à un engagement (comment pourrait-il en être autrement ?), un engagement définitif, sans retour à la vie d'avant, celle des salons parisiens, des cocktails mondains en costume-cravate ; exit alors l'esprit de ces façades traitées en trompe-l'œil alternant le minéral et le végétalisé dans une composition toujours harmonieuse, disparue la géométrie précise de ces décrochements subtils, seul reste le goût pour la conjugaison intime de l'art et de la technique, mais déclinée dans une architecture de volutes ésotériques, dans laquelle le cercle et l'ellipse triomphent définitivement de l'angle droit.

Comment cette révolution a-t-elle été possible ? Comment un seul homme peut-il, presque instantanément, se radicaliser dans une posture si opposée au travail qu'il avait développé quelques années plus tôt ?
Voilà ce que j'appelle le "Mystère Roger Anger".

mercredi 15 septembre 2010

Quoi de neuf ? Roger Anger !

L'œuvre et l'héritage de Roger Anger, architecte oublié, auteur de très nombreux bâtiments dans les années 60-70 dont les façades, qui vieillissent parfaitement bien, expriment un "tissage spatial" remarquable, seront présentés par l'architecte indienne Anupama Kundoo, ce vendredi à l'Arsenal.
A ne rater sous aucun prétexte !!!!!!!!!!!!!!!

L'Hôtel des roches noires


C'est une pièce de théâtre qui sera peut être jouée en 2012. En attendant, elle se répète, elle se peaufine et elle cherche... une production solide (des sous !).
C'est l'histoire d'un hôtel en bord de mer, sans doute décrépi et vieillot, sans doute "authentique" et pittoresque, mais déserté par une clientèle qui recherche du standardisé. Un promoteur a jeté son dévolu (ses serres, ses crocs)sur la bâtisse et projette de la démolir pour y réaliser un complexe immobilier dont un incontournable centre commercial. Mais voilà qu'il est victime d'un très grave accident de la route qui le plonge dans un coma, et le transporte dans un "entre-deux" en compagnie de quatre personnages (bientôt cinq) qui sont en réalité morts (des fantômes) et qui ont quelque chose à voir avec l'Hôtel des Roches Noires ou avec sa vie.
Parmi ces cinq personnages, il y a son ancienne compagne du temps où il était trapéziste. Elle est morte par accident (est-ce bien un accident ?) lors d'une représentation. Le promoteur est toujours amoureux de cette femme qui se morfond de n'être qu'un "souvenir".
Il y a aussi une autre femme, un peu ronde comme un modèle de Renoir, et qui sourit toujours ; jeune fille abandonnée, sans nom, trouvée un jour sur la plage et recueillie par les gens de l'Hôtel des Roches Noires, dont le visage est celui d'une courtisane d'un tableau que le promoteur a repéré.
Un dandy anglais, écrivain raté, qui s'est suicidé. Une chanteuse de bal populaire, la grande Lala, gouailleuse et écorchée vive. Un jeune groom de l'Hôtel, ex amoureux transit de la chanteuse.
Tous ces morts vont tenter de convaincre le promoteur de ne pas se laisser mourir, et de vivre pour faire revivre l'Hôtel. Car ce qu'ils aiment par-dessus tout, c'est entendre des histoires d'amour, des histoires qui se passent dans leur hôtel.
Il y a cette relation intime, invisible, secrète et passionnante entre un lieu et les vies qu'il a abritées ; "tous ces petits moments magiques de l'existence, qu'on met dans des sacs plastiques et puis qu'on balance" comme le chante Souchon !
La pièce, qui laisse une part belle à des dialogues chantés (très belles mélodies souvent mélancoliques), est magnifiquement interprétée par de jeunes comédiens.
Dès qu'elle est montée, je vous préviens tous !
Nota : les spécialistes (et surtout les auteurs) de cette pièce me pardonneront mes approximations ou mes inexactitudes éventuelles

Praemium Imperiale


Il s'agit d'un prix prestigieux descerné chaque année par l'Association japonaise des beaux-arts à des artistes dont l'oeuvre est remarquable, dans les cinq domaines suivants : la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique et enfin le théâtre et/ou le cinéma. Ce prix peut-être éventuellement considéré comme le Prix Nobel dans le domaine des arts, nous dit Wikipédia.
Cette année, dans notre art de prédilection, c'est Toyo Ito, architecte de nationalité japonaise qui a été récompensé.
Une salle entière de l'Arsenal à la Biennale de Venise est consacrée à son travail sur l'opéra de Taichung.
Maquettes, dessins, esquisses, coupes techniques, etc. constituent un ensemble remarquable qui met clairement en évidence l'importance du travail entre l'architecte et l'ingénieur dans la conception d'une architecture totale ; esthétique, spatiale, humaine. Un exemple parfait "d'intelligence constructive".
Jean Nouvel est le seul français à avoir obtenu cette distinction.
Pour les curieux, dans les autres disciplines, en 2010, ont été honorés :
Peinture : Enrico Castellani
Sculpture : Rebecca Horn
Musique : Maurizio Pollini
Théâtre et cinéma :Sophia Loren

dimanche 12 septembre 2010

Le Président est un con !

Je teste ici "Big Brother" (Cf PS du texte précédent).
Va-t-il s'employer en urgence à retirer de la vue de vos orbites délicates ce titre qui stigmatise la connerie insondable du Président...
celui de la ligue de boules lyonnaises de St Ravine sur Barbigeon ?

Fête de l'Humanité


Combien étions-nous ? 60.000, 80.000, plus encore ? à écouter les yeux brillants "Foule sentimentale", "L'amour en machine", "Sous les jupes des filles" ou "On avance", avec ces paroles implacables ;
"C'est une évidence
Tu vois pas tout ce qu'on dépense. On avance
Faut pas qu'on réfléchisse ni qu'on pense
Il faut qu'on avance."
Les yeux ne brillaient pas avec la même intensité dans l'"Espace collectivités" dont les stands à 10.000 € le m2 étaient désertés dès 15H30 ce samedi. Quelques rares commerciaux oubliés de leurs clients, désœuvrés, jouent avec leur Blackberry, une coupe de champagne en plastique à portée de mains, ils jettent régulièrement un œil inquiet à leur Rolex (ils ont moins de 50 ans pour la plupart et ont le sentiment, cet après-midi, de ne pas avoir totalement réussi leur vie), comme pour tenter d'accélérer le temps, et de précipiter la fin de ce calvaire. Les petits fours, comme les hôtesses, s'ennuient et sont fatigués. Le responsable commercial, face à une telle déroute, constate : "la cotisation est non seulement chère mais est-elle bien utile ? Oui, mais si je n'y suis pas, mes concurrents y seront et, on ne sait jamais, je peux passer à côté d'une "affaire".... Dérisoire.

Si j'étais à leur place, je plierais ma cravate, j'enfilerais le jean et le T-shirt planqué dans mon attaché-case (éviter le polo de golfeur siglé Ralph Loren), je remiserais mes Weston pour chausser des "tennis", et je m'enfuirais vers la fête elle-même, ses nuages de merguez, ses barbecues géants,

ses slogans de manif alignés comme à la parade - celle des prolos, fiers de ne pas avoir honte de trinquer sous des banderoles avec des mots insensés : "Lutte", "solidarité", "travailleurs", "Parti communiste", etc. -, les discours enflammés sur les scandales des riches ou les géants de l'industrie agro-alimentaire dépeceurs de paysans qui se télescopent avec des concerts plus ou moins improvisés, son salon des livres avec une cinquantaine d'auteurs présents, son "Village du monde", concentré de planète subversive, baignant dans les odeurs de grillades et les musiques exotiques ; si j'étais à leur place...
PS : je viens de m'apercevoir que ce blog est sous surveillance (vraisemblablement comme tous les autres, comme nous tous d'ailleurs), et voilà pourquoi : j'avais mis à la fin de ce texte une photo représentant une table sur laquelle trônaient 4 ou 5 sexes masculins en résine (un bleu, un rouge, un jaune, etc.) utilisés à des fins éducatives dans le stand de la sensibilisation aux dangers des rapports sexuels sans préservatif de la Fête de l'Huma... Et la photo a disparu ! C'est un stand dont l'accès était autorisé à tout le monde ; il n'y avait pas de rideau rouge avec des grosses lettres vulgaires "Sex-Shop" ! Mais qui est ce "Big Brother" ? Je me permets d'attirer sa vigilance sur la photo de droite "Concept" avec la légende "masculin", qui est un zizi (c'est vrai, artistique et au repos !) ; il s'agit d'un détail de la sculpture de l'enfant nu à la grenouille qui est à la Pointe de la Douane de Mer à Venise.

samedi 11 septembre 2010

Mort à Venise

En hommage à Thomas Mann et à Visconti (rien que ça !) et surtout pour donner des idées à mes amis, photo d'une ultime promenade sur le Grand Canal : la classe (fatale) !

vendredi 10 septembre 2010

Grand Prix National d'Architecture

Distinction initiée en 1975, abandonnée en 1999 et réhabilitée en 2004, elle a honoré successivement, et tous les deux ans depuis : Patrick Berger, auteur de la future "Canopée" des Halles à Paris, Rudy Ricciotti, le pirate de Bandol, auteur du Pavillon noir de Preljokaj à Aix en Provence, architecte du MUCEM de Marseille et du futur stade Jean Bouin à Paris, et Lacaton-Vassal, les apôtres du minimaliste discount, architecte du Palais de Tokyo et de l'Ecole d'architecture de Nantes.
Quel sera le lauréat 2010 dont on dit qu'il devrait être désigné en novembre ? Quand on exclut les récipiendaires précédents (les Nouvel, de Portzamparc, Hauvette, Soller, etc.)
M'est avis qu'il pourrait s'agir d'Yves Lion.

Et si cette corporation de machos voulait se refaire une honorabilité en désignant une femme ? Alors ce serait Odile Decq, bien sûr ; Manuelle Gautrand, plus jeune, devra sans doute patienter.

Autres challengers possibles : Ibos & Vitart, Jean-Marie Dutilleul, Jacques Ferrier, Guervilly, Chaix & Morel, Marc Mimram ou Philippe Gazeau.

Cohen est de retour ! Alléluhia !


Il revient, le jeune homme de 76 ans pour une tournée en province et ce, dans quelques jours. Alors, si vous n'avez jamais vu Cohen sur scène, si l'adjectif "exceptionnel" et si le mot "talent" ont un sens pour vous : foncez le voir ou vous risquez de le regretter toute votre vie !
(Cohen, si tu m'entends, tu pourrais m'offrir des places gratuites pour le concert à Tours !)

Persol, les lunettes de l'artiste



Le dénommé Pergame porte des "Persol" ; vous les entendez tous, comme moi, se moquer !

Booremans, Dumas et Tuymans

De retour de Venise, quelques coups de cœur pour 3 artistes de la collection Pinault (le déserteur breton).
Michael BORREMANS, Marlène DUMAS et Luc TUYMANS.
Présentation :




Ménilmontant

Ménilmontant. Je devrais venir plus souvent à Ménilmontant. Le monde, le vrai, est là, avec ses terrasses garnies d'un soleil tranquille de septembre et de gens qui se sentent d'ici et qui viennent d'ailleurs. Tout le monde vient "d'ailleurs", et pas seulement dans ces quartiers ; c'est une évidence. Ça crève les yeux. Si ça ne crève pas les yeux, alors il y a risque de consanguinité. A vous de choisir !
Une femme en boubou multicolore, et puis des jeunes sans casques qui font pétarader leurs mobylettes, un type en Marcel dont les bras sont tatoués sauvagement qui sort d'une porte cochère et porte avec indolence une natte comme une queue de rat sur le dos et une chaise en bois peint (il va où ?) ; une ruelle oubliée conquise par des tags sauvages et qui doit accueillir les soirs d'été des barbecues (sauvages forcément), une galerie d'art brut qui annonce son arrivée prochaine dans un ancien dépôt de pièces détachées, des types ordinaires qui ne semblent rien demander sinon de vivre pénards ; sur les boulevards des faux cerisiers aux greffes maladroites plantés au milieu d'un disque de terre, et des acacias fleuris comme des couronnes de mariée. Des immeubles qui se foutent pas mal de l'esthétique règlementaire et qui, de fissures apparentes en enduits cloqués, de cages à serins sur le rebord de la fenêtre en terrasses improvisées, assument leur physique ingrat, libérés d'une charte de catalogue du prêt-à-habiter. Une densité moindre de boutiques franchisées (mais hélas, on pressent la contamination rampante), de celles qui lobotomisent l'ambiance de nos paysages urbains ; voilà aussi la marque de l'authenticité. Je devrais venir plus souvent à Ménilmontant.


Deux petits bonheurs aujourd'hui (en plus de Ménilmontant) : la lecture - je devrais dire, le parcours - d'un livre de photographies "Paris Journal" de Raymond Depardon, et l'écoute d'une "lecture", celle d'une pièce en préparation, "L'hôtel des roches noires" dans un petit théâtre, rue des Plâtrières, précisément à Ménilmuche.

De la tendresse, de l'émotion, de la mélancolie, des petites choses, des choses simples (qui sont si grandes et si simples parfois qu'elles nous submergent), la vie, la mort, le noir et le blanc, de l'essentiel, de la beauté, une attention du regard, une musique, des lieux que l'on voudrait abandonner et qui rechignent à perdre la mémoire, bref : de la poésie. Ce qu'on pourrait appeler : un certain enchantement.
Et sur la table rouge cerclée de métal doré du café, la couverture du "Monde Magazine" avec la photo grotesque et pitoyable d'un homme qui préside aux destinées de l'Italie, pays de culture et d'histoire : Silvio Berlusconi, sous le titre : "Europe, la droite sans complexe". Comment peut-on faire confiance à un homme dont le visage n'est qu'un mensonge : implants capillaires, teinture, Botox à tous les étages, dentition artificielle, ... ?

Il faudra que je reparle de "L'hôtel des roches noires".

jeudi 9 septembre 2010

Zéro commentaires

Blog, terre de partage... mon cul ! "O commentaires" + "O commentaires" + "O commentaires" + ...
Mais tout le monde sait que ce n'est pas pour avoir des commentaires que Pergame écrit, ni pour être lu (un peu quand même, par certains...) ; il écrit pour écrire !

Fin de la crise, crise des fins


Un article de Marc Augé dans le supplément "M" du Monde du 9 septembre qui me plait bien (énormément). Coincé entre une pub pour Dior, un énoncé des "tendances" et un reportage sur le Kimchi coréen (choux fermenté, épicé et macéré dans une mixture à base de saumure de poisson, piment rouge, sel, gingembre et ail !). Savez-vous que ce Kimchi à une odeur tellement âcre et persistante (une odeur dégueulasse donc) que les fabricants de réfrigérateurs coréens ont du élaborer un compartiment réservé à son usage ?... Vous vous en foutez ? Revenons aux propos de l'ethnologue, directeur d'études à l'EHESS.
L'être humain a trois dimensions : individuelle, culturelle et générique. La relation, le dosage entre ces trois dimensions est au cœur de la problématique de la situation de l'homme dans la société. Chacune peut-être "faussée, manipulée ou subvertie" par la société. Aujourd'hui, le consommateur ne s'est-il pas substitué à l'individu, le local au culturel et le global au générique ? La crise actuelle est révélatrice du déplacement de ces dimensions. Crise, à la fois de conscience planétaire, de relation et crise des fins.
Conscience planétaire : place de l'homme sur une planète que l'on découvre maltraitée, et, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, dotée d'une fin perceptible que peut précipiter l'écart menaçant et toujours croissant entre les plus riches et les plus pauvres.
Crise de la relation : une société qui, par les technologies de la communication, nourrit l'illusion de l'évidence et de la transparence, fausse la connaissance de l'autre et donc la relation ; la dissipation de l'illusion peut être dramatique et violente.
Crise des fins : fondée sur un 1er paradoxe, celui d'une progression toujours plus accélérée de la science et l'écart qui se creuse vertigineusement entre les acteurs de cette science et ceux qui devront la subir ; un 2nd paradoxe est la concomitance entre le développement de cette science, source d'une nouvelle interrogation sur les rapports entre la matière et la vie, et le fondamentalisme religieux. La "fin de l'histoire" imaginée par Fukuyama, avec l'avènement d'un accord unanime fondée sur la combinaison de la démocratie représentative et du marché libéral est une idée fausse. C'est une aristocratie ou une oligarchie planétaire qui risque de régner, issue des 3 "classes", politique, économique et scientifique qui gouvernent le monde et qui se concentrent d'avantage chaque jour, nourries des consommateurs qui s'obligent à consommer et subies par les exclus ; et non la démocratie.
"Nous vivons à l'envers, nous marchons sur la tête. Il n'est en effet pas déraisonnable de penser que, si nous décidons de tout sacrifier à l'éducation, à la recherche, à la science, en faisant des investissements massifs dans le secteur de l'enseignement à tous les niveaux, nous aurions les emplois et la prospérité en plus. L'idéal de connaissance n'a pas besoin d'inégalités sociales ou économiques. Bien au contraire, au regard de cet idéal, ces inégalités sont des facteurs de stagnation, des obstacles, une considérable perte d'énergie, une atteinte au potentiel de l'humanité.(...) On peut faire l'hypothèse que le refus de penser ensemble le problèmes de l'économie et de l'éducation est la cause profonde de nos échecs dans les deux domaines.(...) ...la crise apparait comme un révélateur de ce qu'est la vraie richesse, de ce que sont les vraies négligences écologiques, la véritable différence sociale ou encore les vraies finalités de communication/consommation qui monopolise les écrans de nos télévisions."
"L'utopie noire de l'aristocratie planétaire" s'accomplira-t-elle ou bien est-il encore possible d'imaginer un "renversement historique imprévu" par lequel "des convergences nouvelles s'esquisseront entre pensée de l'universel, conscience politique et révolution éducative" ?

mercredi 8 septembre 2010

Naissance d'un pont


Qu'en même : une histoire avec un ingénieur spécialisé s'béton originaire de Bécon-les-Bruyères ! Toutes les rentrées littéraires ne nous servent pas un tel morceau de choix ! Ça ne se rate pas ! D'autant qu'une critique en première page du supplément littéraire du Monde spécial Rentrée, avec une photo de l'auteur - une femme plutôt jeune et jolie, dotée d'un nom tellement aristocratique qu'il est impossible de l'oublier - fait un éloge appuyé du roman.
Le récit est construit (c'est le cas de le dire) autour de l'édification d'un pont à haubans, gigantesque - 230 m de hauteur pour les tours qui supportent les câbles - dans une ville imaginaire - Coca. Le hasard et la nécessité impérieuse de (sur)vivre vont (encore !) se faire croiser des destins qui n'ont a priori rien à voir les uns avec les autres.
Le style est étonnant, parsemé de quelques fulgurances et d'images plutôt bien trouvées, mais trop souvent composé d'une procession de mots orphelins de leur article, finissant par produire des phrases interminables, entrecoupées de la seule ponctuation admise : la virgule.(Maylis : le point-virgule est une ponctuation merveilleuse !).
Un peu de sexe (une mannequin russe et un grutier qui font l'amour dans l'exiguïté de la cabine à plusieurs centaines de mètres du sol), des mots crus houellbecquiens, une pincée d'atrocités (une histoire d'étudiante que son ami laisse se faire dévorée par un ours !), quelques affreux technocrates, ...
On a un peu de mal à croire à cette histoire de pont qui se décide sur un claquement de doigt (c'est vrai, un pont de 230 m en construction dans le monde, je devrais être au courant !) et dont les dispositions constructives, notamment en terme de dilatation, ne sont arrêtées que le jour où le tablier va être coulé... (mais c'est un détail mesquin ; pour le reste, sur la technique, il faut reconnaître que notre auteure est parfaitement documentée).
Dommage aussi qu'il ne soit pas plus mis en évidence la beauté de la conception technique (juste effleurée). L'architecte est un mauvais poète et un beau parleur ; le patron de chantier un type droit et honnête, dont le seul souci ne serait que de livrer le pont en temps et en heure, au prix fixé... si l'amour...
Peut se lire avec un certain intérêt ; mais ce n'est pas le coup de foudre attendu ! Mais il est possible qu'on y revienne...

Ouragan


Le précédent livre de Laurent Gaudé, "La porte des enfers", retraçait le périple d'un homme qui devait retourner en enfer pour faire revivre un autre homme (son père ?). J'avoue ne plus me souvenir précisément de l'histoire. Ce dont je me souviens en revanche très bien, c'est de la description assez fantastique que Gaudé avait faite de l'enfer, lui-même. En dehors de ça, l'histoire était assez invraisemblable ; mais la qualité d'écriture de Gaudé offrait une lecture agréable de cet ouvrage.
Avec son dernier roman, l'auteur nous plonge une nouvelle fois en Enfer ; celui de l'ouragan Katrina qui a dévasté la Louisiane en aout 2005.
On suit les considérations d'une "négresse" sur la vie en générale, et le racisme en particulier, la fuite d'un groupe de taulards plus ou moins sympathiques,les délires d'un prêtre fanatique psychopathe, et le retour dans la tornade d'un employé à l'extraction de pétrole off-shore, gaillard déserteur du foyer familial, poussé par le remord, qui veut retrouver cette femme qu'il a abandonnée sans véritables raisons, six années auparavant ; six ans environ, c'est également l'âge de cet enfant "douteux" dont cette femme, sa mère, assume seule la protection.
Le style pourrait être agréable si Gaudé n'en rajoutait pas un peu dans le "pathos". Tous ces personnages se croisent évidemment, et les rencontres sont parfois tragiques. Les alligators envahissent les rues de la Nouvelle-Orléans et déchiquettent les égarés, etc.
Pourquoi est-ce un livre qui ne m'a pas enthousiasmé plus que ça ?

C'est la rentrée, on a changé les photos !

lundi 6 septembre 2010

Quoi de neuf ? Venise !


Venise est un lieu qui ne peut s'apprécier pleinement que si l'on est amoureux ou poète ; le mieux étant de cumuler ces deux états que le monde contemporain tend à ignorer ou à déprécier ; surtout le second d'ailleurs !
Puisqu'il parait qu'un blog est un lieu de partage, je vais donc m'employer à partager. Sur Venise. Ainsi, je propose un petit guide à l'usage exclusif de ceux qui veulent en user.
1) Logez à Venise : vous profiterez ainsi des quartiers dont la magnificence est la plus évidente en toute tranquillité (la Place St Marc, le Rialto), le matin ou le soir, avant ou après la transhumance touristique

2) Prenez un "pass" vaporetto car à Venise, sauf à vouloir vous gondoler, le vrai luxe est la croisière populaire sur le devant de ces caboteurs géniaux qui vous conduisent de palaces en Salute, de Rialto en Zattere, sans manières, dans un glissement fluvial d'une incomparable élégance ; aristocratique le jour, et romantique la nuit

3) Accostez au marché du Rialto par le traguetto ; l'approche des étals gavés de poulpes noyées d'encre, ou la contemplation des bouquets de piments patriotiques dominateurs de brassées d'innocentes fleurs de courgette et de grappes charnelles d'un raisin dodu et sucré, dans un flirt muet avec l'eau libertine du Grand Canal, vous en seront que plus sensuelles
4) Foncez au musée de la "Pointe de la Douane de mer" où l'architecte japonais Tadao Ando fait dialoguer la mesure de tatamis en béton parfait avec l'appareillage artisanal d'une brique intemporelle, sous la protection muette d'une charpente en bois dressée comme une promesse de paix ; dans cet espace d'architecture totale laissez libre cours à votre interrogation face aux œuvres contemporaines d'un milliardaire déserteur, et néanmoins breton
5) Venez oublier les clichés de Venise à la Fondation Querini Stampalia où Scarpa, dans un jeu discret d'eau, de matière et de lumière a livré tout son génie architectural, et où Bellini, au 2ème étage de cette institution, avec une adoration de l'enfant Jésus, peut se rendre coupable de provocation au syndrome de Stendhal
6) Mais le meilleur conseil : écoutez ce que vos yeux vous disent, contemplez l'invisible, stoppez le temps sur un reflet de porte, ...