dimanche 28 février 2010

Budapest


"J'ai plaqué mon blog comme un saligaud
Mon copain le blog, mon alter ego..."
et je suis allé profiter de "La perle du Danube" quelques jours.
Donc, petites recommandations (très personnelles) à l'attention de ceux qui seraient tentés par le voyage (un blog, ça peut être pratique aussi... ça n'a pas besoin d'être uniquement subtile, élégant, raffiné ...).

Si vous n'aimez que :
- la farniente sur les plages de sable chaud
- les poissons grillés sur des barbecues géants
- les coquillages dégustés sur le pouce
- les paysages façon Grand Canyon ou chutes du Niagara
- les gondoles à Venise,
- le décalage horaire qui vous persuade que vous êtes un véritable aventurier
- exclusivement la samba
- vous livrer au démon du "shopping"
- la plongée sous-marine

Si vous n'aimez pas :
- flâner à travers une ville le nez en l'air
- l'architecture art-déco (Sécession) souvent décatie
- le goulasch
- les trams ou les métros bruyants et d'un autre âge
- la vision des têtes de porcs tranchées et fumées (et plus généralement des abats)

- les bains thermaux
- vous extasier pour des petits détails urbains en piteux état
- les cafés à l'ancienne
- déguster des pâtisseries baroques (mais qui peuvent être délicieuses)
- le risque de pluie
- les dépôts (impressionnants) d'encombrants sur les trottoirs
- le salami
- l'opéra
- les restaurants pas chers
- les tags
- les pavés noirs et polis
- les statues en bronze



alors,
ne venez pas à Budapest !

mercredi 24 février 2010

Paroles d'architecte


Xaveer de Geyter est un architecte belge qui a accédé à la présidence de la chaire Charles Vermeersch du Département d"architecture et d'urbanisme de l'université de Gand pour l'année 2008-2009. Il a prononcé un discours d'investiture dans lequel j'extrais ces quelques phrases qui m'ont, je dois dire, un peu désolé :
"Je trouve que l'architecture est trop souvent utile, pratique, durable, bien dosée, bien fondée et qu'elle ne cause aucun désagrément. Nous avons presque honte de construire. L'opposé est trop absent. Je veux voir plus d'architecture qui se foute autant de l'homme que de la terre."
Si Monsieur de Geyter veut dire que l'architecture ne peut se réduire à l'utile, au pratique, au durable, et qu'elle n'est réellement architecture que quand elle étonne, surprend, questionne - voire dérange -, agit en décalage, suscite le doute, alors, je suis d'accord. En revanche, je ne vois guère d'alibis possibles à la dernière phrase.

Hommage à N.R.

N.R. est une jeune actrice de cinéma. Nous nous sommes croisés lors d'un dîner. Ce fut un moment plutôt agréable. Il m'a inspiré le portait suivant :

Elle a le regard d'un enfant-cygne sans l'ambiguïté de la jeune fille de Ferré. Elle a dans les yeux cette sorte d'innocence et de fragilité réservée aux oiseaux blessés. Elle se tourne vers vous, entièrement, le buste droit ; son visage est celui d'un ange qui vous comble d'un sourire d'une franchise absolue. Ce soir-là, ses cheveux blonds étaient disposés en un chignon sans manière. Parfois ses mains dessinent dans l'air, devant elle, des arabesques délicates qu'elle accompagne d'un léger mouvement de tête ; elle parle d'une autre actrice pour laquelle elle a une admiration sincère. Et puis, sur une autre, son visage mime l'interrogation et l'arabesque se fait couperet, et d'un mouvement rapide comme la lame d'une guillotine elle conclue son incompréhension. Elle tourne alors son visage une nouvelle fois et vient cueillir dans votre regard un accord qu'il est impossible de refuser. Elle regarde son ami et sourit de bonheur, nous prenant encore pour témoins de son amour. Et puis elle parle de son engagement ; de cette volonté innocente de faire son chemin, celui qu'elle ressent depuis l'age de quatre ans. Actrice, oui, mais avec un sens. On la dit "intello", mais elle reçoit tellement de scénarios d'une médiocrité affligeante ! Que fait-elle entre Séoul, Berlin et Manaus, dans ce monde interlope du cinéma où elle promène son charme ingénu là où la séduction capiteuse est plus efficace ? Elle est gourmande et je lui souhaite beaucoup de bonheur.

vendredi 19 février 2010

Programme politique (aigri)


Reçu sur mon sms (probablement d'un babyboomer aigri) : "Il nous faut le retour de la république de Bonaparte, avec Fouchet au culte et à la culture, le service militaire obligatoire de 2 ans pour tous les jeunes gens, une contribution aux travaux agricoles et forestiers 15 jours par an pour tous les citoyens, les chants patriotiques sur les chantiers, fermer les clubs techno et rendre obligatoire l'écoute du rock dans les administrations publiques et pénitentiaires, servir des pâtes à l'encre de seiche dans les restos U , obliger les fonctionnaires de la culture à une pratique sexuelle sous cocaïne le soir de Noël, former les curés au maniement d'armes, et obliger les imams à venir au Crazy Horse, etc."


Et pourquoi pas : Les chantiers de jeunesse, la boule à zéro,
les défilés aux pas cadencés, le bœuf mironton, les Fest-Noz tous les vendredi soir, le lâcher de salopes, Louis XI et ses cages suspendues, confesse* hebdomadaire ? ... et pourquoi le Crazy Horse ? Le String Fellow devrait suffire !

* on ne soulignera jamais assez la richesse de la langue française !

Sailor et Lula


Vu ce soir la Palme d'or 1990 à Cannes de David Lynch. Le monde de Lynch (le sien seulement ?) est vraiment bourré de tordus ; mais qu'est ce qu'il filme bien ! Et ce petit passage de Roxy Music...faudrait lui souffler de glisser dans le prochain quelques arpèges de "Famous Blue Raincoat" !

jeudi 18 février 2010

Chomo, homme d'art, homme des bois


En plus de trente années de vie libre dans les bois de Fontainebleau, Chomo, mort à 92 ans en juin 1999, a livré un nombre inimaginable d'œuvres (peintures et sculptures) dont certaines sont absolument remarquables.
A la Halle St Pierre, au pied de Montmartre, une 1ère rétrospective de cet artiste inclassable permet d'en apprécier la poésie, la violence, l'iconoclastie !

"La vitesse est une insulte au créateur"

mercredi 17 février 2010

Apollon et les putains


Gérard nous recommande ce livre. Je partage son point de vue, mais j'ai envie d'aller plus loin dans le résumé qu'il nous propose sur son blog.
Je reprends donc là où il a laissé le lecteur en suspentation : ... donc l'Apollon va chercher dans un bordel du coin, une fille un peu paumée, blonde et pulpeuse, à qui il va faire miroiter une vie de starlette. Comme la fille n'est pas très maline, elle va gober toutes les histoires de l'Apollon (qui pourtant n'est pas bien malin non plus !). Il parvient, en se faisant prendre pour un agent du FBI, à embarquer la pintade hors de son cloaque. Quelques jours plus tard, on les retrouvent installés à Los Angeles dans un studio minable avec vue immédiate sur les issues de secours d'une cantine de l'Armée du Salut, au 2ème étage d'une pension de famille décrépite. L'Apollon est en fait un raté (normal pour un Apollon), inculte, avec un tour de taille un peu gras. Qui plus est, la poupée - Gloria - se rend compte qu'il est impuissant comme un eunuque de 3ème génération, qu'il a très mauvaise haleine et qu'il empeste des pieds. L'Apollon se vautre à longueur de journée devant les soap opéras en sirotant de la bière qu'il décapsule avec les dents, et en s'empiffrant de chips bon marché. Gloria a vite compris que pour manger correctement, la meilleure solution restait encore de donner de sa personne. Mais une putain est capable de supporter beaucoup de choses ; pas un maquereau aussi lamentable. Un matin, alors que l'Apollon est encore endormi, elle enlève le drap et découvre entièrement le corps dodu et gentiment imberbe de son partenaire inactif. Le naturiste assoupi est sur le côté, le sexe flapi et tirebouchonné comme une sorte de virgule qu'on aurait abandonnée, lâchement et sans raison, en milieu de phrase. Elle s'empare de son IPhone et mitraille la silhouette ridicule de l'Apollon de camping municipal ; plus particulièrement, l'organe de ponctuation en état d'anémie évidente. Gloria va alors se transformer en épouvantable maîtresse-chanteuse et faire subir à l'Apollon les pires sévices ; sexuels, il s'entend ! Suite à une panne de télé, l'Apollon se rebiffera un jour dans un ultime baroud d'horreur et l'on assistera alors à un carnage comme rarement une œuvre littéraire en aura décrit : tout ce qui peut représenter un organe ou des viscères, entier ou en morceau, se retrouvera aux quatre coins du studio, jusqu'à ce que l'Apollon, dans une fulgurance démoniaque, se mette frénétiquement à recomposer Gloria à partir des morceaux préalablement écorchés et éparpillés sur la moquette, avec le renfort d'une machine à coudre de marque Singer (ce détail fut attesté par l'agent fédéral O'Connor qui le précisa dans son rapport). C'est alors à un travail de patchwork sanguinaire auquel est convié le lecteur ; l'Apollon prenant un malin plaisir à coudre un pied de Gloria sur le crâne de l'ingénue, un sein au milieu du visage, un bras au milieu du ventre, en poussant des cris démoniaques et hurlant : Picasso ! Picasso ! La nouvelle s'achève quand le voisin du dessous, un vieillard aigri ayant ressenti des vibrations dans sa prothèse fémorale dues à l'agitation du voisin du dessus, remet son appareil d'audition sur "on", perçoit nettement le raffut de l'Apollon déjanté et décharge la totalité de son fusil M16 à travers le plafond en plâtre. Il faut trois chargeurs pour venir à bout de l'Apollon. Quand le vieillard - qui est également un vétéran du Vietnam, tout le monde l'a compris - verra enfin l'hémoglobine couler à gros bouillons à travers les lambris de son plafond, il débranchera son Sonotone et ira se coucher dans sa chambre, avec le sentiment du devoir accompli. Les critiques littéraires ont cru déceler dans cette fin un réquisitoire contre l'engagement de l'Amérique en Afganistan ; ce qui a été formellement démenti depuis par l'auteur et ses ayant-droits !

lundi 15 février 2010

En effeuillant "Le Monde..."

Comme il n'y a pas encore de droit de propriété sur cette rubrique ... je vous livre ce que, de mémoire, j'ai extrait de la lecture du Monde de ce soir :
- en Turquie, une jeune fille de 16 ans a été enterrée vivante par son père pour la punir d'avoir fréquenté des garçons (no comment !...)
- le marché du cinéma en relief pourrait se développer fortement grâce aux films pornos et aux émissions de sport (Rocco si tu nous entends !...)
- le chinois le plus riche de Chine est en prison poursuivi pour manipulation du cours de l'action de son entreprise (bien fait ! ...)
- BHL s'est fait piégé par un philosophe qui n'existe pas et qui aurait fait des conférences sur Kant devant des paraguayens (même moi, j'serais pas tombé dans le panneau ! ...)
- M. S. ne veut pas (soi-disant) passer en force sur les retraites et en 2050, il y aura - de 1,30 actifs / personne retraitée, contre 4 en 1960 (Vive les fonds de pension, sauve qui peut !)
- Abidjan s'enfonce dans le chaos économique ; dans les années 70 le PNB de la Côte d'Ivoire était supérieur à celui de la Corée du Sud ! (Ah ! Monogaga !)
- Ariane Mouchkine présente une superbe pièce de + de 3H00 à la Cartoucherie sur Jules Verne (et si ça se trouve y a déjà plus de places !)
- Les forces alliés continuent leur offensive au sud de l'Afghanistan (no comment !)
- Les profs de Vitry continuent leur grève (ils ont raison !)
- Technip, engluée dans une sombre histoire de corruption pétrolifère au Nigéria, accepte de payer une très forte amende (ça va impacter les bénéfices, mais pas trop !)
- Philips met sur le carreau plus de 200 personnes à Dreux (et dire que tout le monde veut son écran plasma !)
- la téléphonie "4G" sera mieux que la "3G" (et la "5G" moins bien que la "6G" !)
- Gordon Brown la joue misérabiliste lors d'un interview (Ah, l'enfance malheureuse !)
- une photo des membres du Conseil constitutionnel au grand complet (Chirac a la veste ouverte et semble attendre une tête de veau gribiche)
- du racisme en Italie (après la mafia contre les maghrébins, c'est les latinos contre les africains) et, toujours dans la botte, la désignation par les italiens, de leur compatriote historique le plus célèbre de tous les temps ; on a échappé à la Cicionilla et à Rocco (encore !), et c'est Léonard de Vinci qui a devancé Verdi (comme quoi !)
- Le Pen a traité Fillon de "Fidel castré" (ça vaut bien "le coup de pied dans les urnes" de sa fille !)
Bon, tout ça, pour 1€40 : est-ce bien raisonnable ? Heureusement, il y a le Suduku, la météo et la rubrique nécro !

dimanche 14 février 2010

Pritzker Price et malfaçons


Un de mes amis m'alerte sur la publication d'un article dans "Le Figaro" de vendredi concernant l'action en justice intentée par la Chancellerie contre les acteurs de la réalisation du TGI de Nantes, et parmi eux l'architecte Jean Nouvel, concepteur de l'ouvrage.
Quels sont les faits incriminés ? 9 séries de malfaçons allant de défauts d'étanchéité entrainant des fuites d'eau dans les salles d'audience ou la salle des pas perdus, jusqu'aux dysfonctionnements thermiques (14°C maxi dans certains bureaux), en passant par des pierres de façade de 30 kg qui tombent ou des portes trop lourdes à manipuler.
Le journaliste à cette phrase assassine : "La modernité côtoie soudain le rudimentaire".
Force est de constater - une nouvelle fois - que le bâtiment est un secteur d'activité malade sur le plan de la qualité de réalisation. Pourquoi ?

1) Un bâtiment qui sort du commun est un vrai prototype ; n'oublions pas que même des industriels qui développent pendant des années un modèle - Toyota par ex ? - ne sont pas exempts de "malfaçons"
2) Parce que les délais sont en règle générale extrêmement tendus (ceux de réalisation, mais également ceux de conception) ; on veut toujours "aller plus vite" ; contrainte plus forte dans le privé que dans le public
3) Parce que la qualité a été (ou est) sacrifiée trop souvent sur l'autel du profit
4) Parce que l'ingénierie est insuffisamment considérée (sur le plan de la décision, et sur le plan de la rémunération) par rapport à "l'image"
5) Parce que l'ingénierie (encore) est un métier dévalorisé qui n'attire plus en nombre les têtes bien faites, qui sont aspirées vers d'autres filières qui paient plus et/ou qui correspondent à une image plus valorisante (par rapport aux critères que se donne notre société) : pour "réussir" mieux vaut aller vers la finance ou le marketing (- de 25% des élèves de l'Ecole des Ponts et Chaussées vont dans les métiers du BTP, et le mastère des finances de cette même école est parmi les plus côtés !)


Alors oui, certains bâtiments fuient, certaines façades ont besoin d'être emmaillotées dans des filets pour épargner le promeneur, et il fait parfois trop froid ou bien trop chaud dans les bureaux.
Mais globalement, compte tenu des 5 points évoqués plus haut, les honnêtes acteurs de ce secteur n'ont pas à rougir. Ils aimeraient seulement que la société revienne à des valeurs "durables".

samedi 13 février 2010

L'arrogance de F.L. Wright


"Très tôt dans la vie, j'ai du choisir entre mon arrogance naturelle et une humilité de façade ; j'ai opté pour mon arrogance."
Cette citation du grand architecte F.L. Wright, que notre ami Jacques-Franck a extraite d'un livre "Les femmes" de Tom Coraghessan Boyle, m'interpelle.
Elle me renvoie à plusieurs choses :
- un débat avec un ami architecte qui peut admettre la modestie mais ne peut se soumettre à l'humilité ; moi, j'aime le mot humilité, "cette modestie de l'âme" car, justement, ce mot apporte à la modestie un supplément d'épaisseur : l'esprit ; aptitude que je considère, à l'égal du rire, le propre de l'homme. Il existe un petit ouvrage qui s'intitule "Architecture et modestie" que tous ceux qui s'intéressent à l'architecture devraient lire

- un échange récent avec un ingénieur regrettant l'arrogance d'un architecte ; l'arrogance est un "orgueil qui se manifeste par des manières hautaines, méprisantes ou blessantes", nous indique "le Robert culturel" ; c'est à l'évidence le contraire du respect ; l'ingénieur peut aussi être arrogant, bien sûr ; cette arrogance se matte alors d'indifférence, d'un dédain technique, d'incompréhension, de résignation, et de rage (parfois) de devoir reconnaître (ou sentir) qu'il est exclu d'un certain champ de réflexion culturelle ; il ne tient qu'à lui de ne pas l'être !...

- un syndrome supplémentaire qui peut affecter certains architectes, celui de l'arrogance ; je dis supplémentaire, car j'en vois un autre, évident, c'est celui que je dénomme le "syndrome de Bilbao" ; cette ancienne ville laborieuse et sinistre du Pays Basque industrieux s'est transformée, par la grâce de l'œuvre de Franck Gerhy (et le mécénat de la Fondation Guggenheim, ne pas l'oublier !) en une cité de la culture et de la modernité ; Sir Norman Foster y a ajouté une pointe supplémentaire de modernité avec des bouches de métro d'un futurisme élégant ; ce miracle est contagieux et il est nombre de métropoles qui prétendent à se parer des plumes du paon ; mais le plus ennuyeux, c'est que le virus frappe de manière aveugle les organismes talentueux et les autres ; statistiquement, l'espèce humaine est ainsi faite que la proportion d'individus dotés d'un véritable talent est infiniment plus réduite que celle qui en est tout à fait dénuée ; mais voilà : la seconde est souvent plus bavarde ! Le "syndrome de Bilbao" se caractérise par une prétention à vouloir concevoir une œuvre complexe et coûteuse, là où la raison imposerait une œuvre juste et économique.

Pour revenir au syndrome de l'arrogance que l'on observe chez certains architectes, il provient probablement de l'écoute attentive (et sélective) de certaines déclarations de "Maîtres" prônant une attitude extrêmement ferme, voire exempte de tout compromis, dans l'affirmation du bien-fondé de leur projet (dans sa totalité de préférence) ; attitude à laquelle on ne peut que souscrire si et seulement si 1) le talent est au rendez-vous 2) le budget également 3) l'interlocuteur en face est vraiment un abruti !
Mais l'arrogance" se fout pas mal de la conjonction des 3 critères précédents.

mercredi 10 février 2010

La femme adultère (2)

Gérard a fait un commentaire en indiquant qu'il trouvait ce texte beau, mais que sa désespérance le gênait. Peut-être faut-il resituer le passage dans la nouvelle : Marcel est vautré assez lamentablement et dort à côté de son épouse, Janine, sur le siège d'un car qui les emmène dans l'arrière-pays algérois afin que Marcel tente de négocier directement des tissus à des revendeurs. L'assoupissement de Marcel ne contribue pas à embellir son physique de "faune boudeur". Janine est avec Marcel un peu par dépit, mais "surtout, elle aimait être aimée, et il l'avait submergée d'assiduités. A lui faire sentir si souvent qu'elle existait pour lui, il la faisait exister réellement."
Marcel était étudiant en droit, mais il finit par reprendre le commerce de son père et bientôt "rien ne semblait intéresser Marcel que ses affaires". L'ennui s'installe. "Le plus dur était l'été où la chaleur tuait jusqu'à la douce sensation de l'ennui." Et puis, c'est le hasard d'une promenade en haut d'un fort, où elle traine son mari, qui est une révélation. L'horizon est immense, composé de mille détails qui sont autant de découvertes. Mais ce "royaume (qui) de tout temps, lui avait été promis (...) jamais , pourtant, il ne serait le sien, plus jamais, sinon à ce fugitif instant (...)".
La peine et l'émerveillement se mêlent. Il y a douleur et exaltation. Et puis une sorte de résignation.
Et puis la nuit, alors qu'elle ne parvient pas à trouver le sommeil, elle finira par quitter le lit où dort déjà Marcel d'un sommeil profond. Elle trompera son mari avec...
Je m'arrête là en pensant que, peut-être, certain(e)s voudront lire cette nouvelle.
Alors pour revenir au thème de la désespérance : oui, elle est totalement présente dans cette nouvelle, mais Camus ne veut pas en faire une cause inexorable. Il y a désespérance, s'il y a routine ou habitude ; s'il y a absence de surprises, d'étonnements, d'émotions, d'attention, d'exploration, de naïveté, de liberté.

mardi 9 février 2010

Une visite inoubliable


J'ai eu le bonheur ce matin de me rendre dans l'agence parisienne d'un des plus grands architectes vivants actuels. Inutile de vous dire son nom : si vous ne trouvez pas à la lecture du texte c'est, soit que vous ne vous intéressez à l'architecture contemporaine que d'assez loin (même de très loin), soit que je suis un très mauvais rédacteur.
C'est un lieu où la lumière, l'agencement, la combinaison des espaces, les couleurs, les hommes et les femmes qu'on y croisent, toutes les choses (maquettes, éléments de structure, détails de façade, dessins, ...) fixées au mur, ou posées sur le sol, sur les tables, ou même suspendues, semblent témoigner d'une intelligence évidente.
Des livres qui grimpent à l'assaut des murs, des tables encombrées de maquettes précises placées à portée d'inspiration, des exemples concrets de fragments d'édifice pour entretenir le lien précieux entre l'acte de créer et celui de construire...
Un atelier de maquette comme une boutique d'orfèvre...
Et, quelque part, au détour d'un escalier, une voix calme que semble accompagner un parfum d'Italie ; alors on chuchote : "il est là !", comme si l'espace subitement prenait une dimension supplémentaire, comme si l'intelligence s'effaçait pour céder la place à l'esprit.

dimanche 7 février 2010

Extrait de "La femme infidèle" Nouvelle d'Albert Camus


"Y a-t-il un autre amour que celui des ténèbres, un amour qui crierait en plein jour ? Elle ne savait pas, mais elle savait que Marcel avait besoin d'elle et qu'elle avait besoin de ce besoin, qu'elle en vivait la nuit et le jour, la nuit surtout, chaque nuit, où il ne voulait pas être seul, ni vieillir, ni mourir, avec cet air buté qu'il prenait et qu'elle reconnaissait parfois sur d'autres visages d'hommes, le seul air commun de ces fous qui se camouflent sous des airs de raison, jusqu'à ce que le délire les prenne et les jette désespérément vers un corps de femme pour y enfouir, sans désir, ce que la solitude et la nuit leur montrent d'effrayant."
Sublime. Non ?

Cohen au repos !


Ne vous moquez pas ! Les téléscripteurs se sont affolés en fin de semaine : Cohen s'est blessé le dos en faisant des exercices ! Non, il ne grimpait pas à un cocotier comme Keith Richards. J'ai mon avis sur la question...
A 75 ans, Léonard est encore très vert. Bien entendu, s'il devait rencontrer Mamie Joplins au Chelsea Hôtel, l'ambiance serait sans doute plus calme qu'il y a près de 50 ans ! Et puis, il a quand même 191 concerts dans les mollets depuis mai 2008. Sachant qu'il a fini sa tournée en septembre 2009, ça fait quand même plus de 10 concerts par mois ! Et après 15 ans de silence !
Va falloir que je reprenne le chemin de la traduction libre.
Je voulais juste tirer un coup de chapeau à mon père spirituel que je délaisse beaucoup trop par les temps qui courent...
Sincerely LC

Le temps des crises (retour)


Ce petit livre (- de 80 pages) dont j'ai un peu parlé il y a quelque temps, recèle quelques réflexions qui me semblent extrêmement intéressantes, et sur lesquelles je souhaite revenir rapidement :
1) le constat que des évènements nouveaux majeurs sont advenus au 20ème siècle avec des conséquences extrêmement importantes pour l'humanité sur le plan de : l'agriculture, les transports, la santé, la démographie, les connexions, les conflits ; autant d'évènements (dont l'importance se mesure à la durée d'existence de la situation qu'ils viennent bouleverser)qui sont les ferments de crises locales et dont l'amplification et/ou la conjonction potentielle peut amener à une crise globale
2) le constat suivant, et qui découle du 1er, c'est que l'Homme n'a pas pris la mesure de l'écart énorme qui s'est installé entre son rythme propre (celui de la nature) et celui de la société qu'il a créée ; dont un des avatars est l'écart entre riches et pauvres ; ces fractures sont, comme dans la tectonique des plaques, sources de catastrophes
3)La proposition de Michel Serres c'est la création d'une instance mondiale fondée sur d'autres valeurs et un autre référentiel que celui qui prévaut encore aujourd'hui : le WAFEL (Water, Air, Fire, Earth, Life) ; dans lesquels les savants (toutes sciences confondues...les "dures" et les "molles") auraient véritablement leur place dans les décisions du monde (et pas seulement les "politiques") sous réserve d'avoir prêté serment ; le 1er : de ne jamais participer au dévoiement de leurs inventions pour servir des objectifs contribuant à l'augmentation de la misère, de l'ignorance, de la servilité ou de l'inégalité ; le 2nd : de ne servir aucun intérêt militaire ou économique

Cet opuscule souffre d'un sentiment vague que l'on peut avoir en 1ère lecture d'un "livre de commande" (thème porteur + nom de l'écrivain = recette de ventes assurée). Mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain !
Dommage, car de véritables questions sont posées dont les propositions de résolution auraient mérité un exposé plus dense et, paradoxalement, moins abscons par endroit. Mais, si l'opuscule avait fait ne serait-ce que 200 pages, l'aurais-je lu ?

vendredi 5 février 2010

mercredi 3 février 2010

Bord de mer à Ilbarritz






Le tableau représente un bord de mer. Un peu après la Plage des Basques à Biarritz, quand la côte s'échappe vers l'Espagne ; au lieu-dit Ilbarritz.
A cet endroit se présente une petite colline qui domine le littoral. Mais elle n'est pas visible sur le tableau puisque le peintre s'est précisément mis au pied de cette colline, lui tourne le dos et regarde la mer. L'observateur que je suis (ou que vous êtes) est, bien entendu et logiquement, à la place du peintre. Donc, sur cette colline (invisible), dans les premières années du 20ème siècle, un richissime héritier - le Baron de l'Espée - eut l'idée un peu folle de se faire édifier une demeure pour y abriter un orgue ; le plus grand de son époque. Aujourd'hui cet instrument trône au Sacré-Coeur à Paris. Descendant d'une dynastie de maîtres de forge, le fantasque et misanthrope baron avait acquis et annexé rien moins que la totalité de la colline ; il y avait fait réaliser à flanc de coteaux, une curieuse promenade couverte reliant deux bâtiments situés au pied du monticule et du "château". Ces deux bâtiments abritaient les cuisines de la propriété qui fonctionnaient à tour de rôle en fonction de la direction du vent ; et ce, afin que jamais les odeurs émanant des cheminées des cuisines ne puissent indisposer la promenade. Le Baron ne fit dans cette demeure, semble-t-il, que de rares séjours. Il les préparait cependant toujours avec un soin de maniaque, exigeant par lettres détaillées de son majordome la mise en œuvre scrupuleuse d'une liste impressionnante d'instructions précises : l'ordonnancement de la table, le choix de la nappe, de la salière, les quantités d'eau qu'il fallait tirer du puits qu'il avait fait creuser sous la maison, la température de la-dite eau, les espèces de poissons qu'il souhaitait goûter, le menu des repas, etc. Il séquestra plusieurs jours une jeune actrice de théâtre dont il s'était amourachée. La pauvre jeune femme parvint finalement à s'enfuir, laissant le vieillard en tête à tête avec sa folie et son orgue dont les gémissements affrontaient régulièrement la tempête.
Mais de tout ça, rien n'apparait, explicitement, sur le tableau. Seulement, il serait dommage de passer sous silence une histoire pareille ; car les choses - la mer, les pierres, le sable, le ciel - ont d'avantage de mémoire que nous autres humains qui passons dans un espace-temps tellement réduit comparé au leur. Et dans ce tableau, toutes ces choses m'apparaissent comme des témoins des frasques du baron.
Je vous laisse composer votre histoire.